Avec quelques rajouts acoustiques à sa tapisserie shoegaze, Far Caspian atteint un sommet de plénitude pour mieux affronter l’avenir, forcément incertain de son compositeur.
Joel Johnston est le leader de Far Caspian et réside à Leeds. Auteur de deux albums (Ways To Get Out en 2021 et le remarqué The Last Remaining Light en 2023), il appréhendait l’enregistrement d’un nouveau disque. En 2021, les médecins lui diagnostiquent la maladie de Crohn soit une perte évolutive de la motricité et des conséquences sur sa santé mentale. A partir de 2023, Johnston se lance dans l’écriture de ce nouvel album, Autofiction, avec l’intention de ne pas perdre de temps. Les paroles, en adéquation avec son état mental, sont rehaussées au mixage. Cela ne s’est pas fait sans douleur, le stress et la pression se sont invités et ont failli impacté le projet. Autofiction sonne donc noisy-pop, se faufile entre sons plus acoustiques à la Proper Ornements et des montées shoegaze plébiscitées par les Japonais de Supercar ou les Canadiens de Broken Social Scene.
En ouverture de Ditch, quelques bandes inversées et des guitares indie-folk à la beauté fatale exaltent le chant lunaire et les mots tourmentés. Alors que l’hypnotique First Day lâche des larsens en trompe-l’œil MBV, la basse assume une impeccable ligne mélodique. The Sound Of Changing Place nous téléporte dans les 90’s, quelques bidouillages mixés aux riffs à la Pavement donnent le change, le chant oscille entre la gravité et l’apesanteur.
Se laisser bercer dans un hamac sur Window et Lough pour mieux être happés par les voix de Johnston et de Megan Lama dont les guitares douces et entêtantes font corps. Here Is Now embraye sur une boîte à rythmes bon marché avant d’être rejointe par une rythmique vive et éthérée. Les voix jouent avec les cassures, les guitares alambiquées et distordues suivent Joel Johnston jusqu’à ce que la fête s’arrête. Dans la cabine d’enregistrement, la batterie sonne crue et imprègne Drawing Of The Sun. Telle une balade obsédante, de nuit sur une quelconque motorway, les songes servent de guides à Far Caspian. Les guitares partagent avec le groupe japonais d’avant-pop FilFla, les strates ingénieuses et répétitives. An Outstretched Hand-Rain From Here To Kerry connait un coup de chaud et presse la basse et les guitares euphorisantes. Le contre point est assuré par la voix mélancolique du chanteur.
Second duo avec Megan Lama, Autofiction tisse la romance sur une ritournelle quasi acoustique aux arrangements appropriés. Whim sonne comme du Sugar sans les biscoteaux Bear. Quelques douceurs indie et un clavier discret indiquent la direction du labyrinthe mélodique. La voix de Joel Johnston nous guide vers la sortie, le dernier titre End agit comme un accélérateur de particules sonores dont se dégage une vulnérabilité touchante…
…L’histoire de sa vie, en somme.
Mathieu Marmillot