Evan Dando ne donne pas forcément une bonne image de lui de scène, mais il sait encore composer des chansons. Remis sur pied par quelques amis fidèles qui l’accompagnent sur ce premier disque en 19 ans, il prouve avec Love Chant que les Lemonheads peuvent avoir un futur.

Les Lemonheads, et Evan Dando en particulier, nous avaient laissés plus qu’énervés un soir de Septembre dernier avec une prestation au Café de la Danse confirmant le côté imprévisible de Dando en concert. Et pourtant il était clair qu’il serait idiot de ne pas écouter d’une oreille le nouvel album qui s’annonçait, les trois extraits joués étant des compositions prometteuses, simplement ce soir-là complètement massacrées et jouées à la fin du set, au moment où Dando nous avait perdus, et où il avait abandonné tout effort pour mettre ne valeur ses compositions.
Et voici donc ce Love Chant sur la platine, qui vient confirmer que rien n’était définitif, au moins au niveau discographique. Dando n’est pas du genre prolifique. Son dernier album de chansons originales date de 2006, et il faisait suite à un Car Button Cloth sorti en 1996 ! Evan Dando n’avait proposé récemment que des albums de reprises.
Dando vit actuellement au Brésil, et y a rencontré le producteur Apollo Carvalho qui l’a aidé à mettre en forme les quelques démos de chansons composées durant ses périodes de « relative » sobriété. Dando aurait à priori de quoi remplir deux albums, mais voici déjà le premier. Ses collaborateurs habituels sont là, John Strohm, Tom Morgan mais également une Juliana Hatfield que nous sommes ravis de retrouver, un Jay Mascis dont la guitare si caractéristique fait de Deep End une vraie réussite, ainsi que son groupe de scène, Farley Glavin à la basse et John Kent à la batterie.
Le premier morceau, 58 Second Song (pour un morceau qui fait 3 mn 23, allez savoir pourquoi ce titre !), démarre avec une jolie guitare acoustique, et il se révèle au final bien caractéristique d’un disque qui est ce qu’on peut espérer de meilleur de la part d’Evan Dando en 2025 : des compositions sérieuses, allant de la Power Pop aux ballades acoustiques, certes inférieures à celles de Come on Feel The Lemonheads, mais avec quelques éclairs. Et surtout, Evan Dando y chante remarquablement bien, ce qui n’était pas évident. De fait, cela prouve aussi que sur scène… il se fout de nous !
In The Margin fait partie de ces sommets. Le son est plus dur que d’ordinaire, à la limite du hard rock, et l’énergie dégagée fait plaisir à entendre. Wild Thing (Rien à voir avec les Troggs !) va également démarrer sur un gros riff et bénéficiera d’une mélodie très solide et de la présence de la voix acidulée de Hatfield et d’un groupe impeccable qui joue bien carré.
Be-In est un moment de calme avant Cell Phone Blues, titre très efficace qui plaira aux fans historiques, et surtout Togertheness Is All I’m After, sans aucun doute le chef d’œuvre de l’album : Très dissonant pendant quelques secondes de jam, Dando prend rapidement un autre chemin pour livrer sa meilleure mélodie du disque et peut être de sa carrière. Le solo de guitare le montre influencé par son ami Jay Mascis et le Out There de Dinosaur Jr. On a du mal à imaginer à quel point il avait massacré ce titre au Café de la Danse. On réécoutera probablement moins Marauders plus convenu et moins marquant. Les guitares sont très présentes sur Love Chant, une autre réussite évidente, avant que Dando ne conclue le disque par deux titres étonnants : The Key of Victory est une ballade poignante, sur laquelle il chante « à la David Berman« , avec une intensité qui laisse percevoir ses fêlures et le poids des ans. Enfin Roky, hommage réussi à un Roky Ericsson que nous n’avons pas beaucoup de mal à imaginer comme une de ses influences, musicalement et personnellement.
Ce disque de 35 minutes est une excellente surprise, et nous ne pouvons qu’espérer que son possible succès permettra à Evan Dando de se reconcentrer sur sa musique en écrivant d’autres pépites.
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Laurent Fegly
The Lemonheads – Love Chant
Label : Fire Records
Sortie le 24 octobre 2025
