Il aura fallu attendre six ans pour que le scénariste de la série culte The Killing propose une suite – indépendante mais avec le même duo d’enquêteurs – à son premier thriller, Octobre, qui a rencontré un large public au Danemark et à l’étranger, notamment en France. Søren Sveistrup est de retour et frappe fort avec à nouveau une enquête sombre et retorse qui se transforme en course contre la mort haletante. À dévorer d’une traite.

« Trouvée.
Le mot bref qui brille dans le noir, envoyé par un expéditeur anonyme, la paralyse aussitôt. La peur revient, teintée cette fois d’incrédulité. Il y a une minute à peine qu’elle a mis le numéro en service et personne à part sa fille ne peut en avoir eu connaissance. »
Un jour de Saint-Valentin enneigé, une femme de 41 ans est portée disparue à Copenhague. Naia Thulin, désormais inspectrice à l’Office nationale contre la cybercriminalité, est chargée de la perquisition au domicile. L’examen du téléphone révèle que Silje Thomsen a été harcelé pendant des semaines par un stalker anonyme qui lui envoient des photos d’elle prises à son insu, avec le mot « trouvée », ainsi que des SMS contenant des extraits d’une comptine chiffrée que les enfants utilisent pour jouer à cache-cache, de plus en plus menaçants.
« Un, deux. On arrête le jeu ? », « Trois, quatre. Tu n’es qu’une putain, qui écarte les jambes quand elle prend le train. » « Sept, huit, neuf, et ton mari sera bientôt veuf. »
« Dix, hum, dix : le jeu est fini, comme c’est triste ».
La signature digitale indique de nombreuses concordances avec une autre affaire, non résolue : il y a deux ans, Caroline Holst, une lycéenne de 19 ans, a été retrouvée démembrée après subi le même harcèlement que Silje Thomsen. Une course contre la montre s’engage avant que le jeu de cache-cache pervers ne fasse d’autres victimes.
Là où Søren Sveistrup est très fort, c’est qu’il parvient à faire monter l’angoisse alors même que le récit fait 700 pages et qu’il s’octroie le plaisir de rajouter des scènes secondaires qui n’apportent rien en soi à l’intrigue mais qui apportent beaucoup de chair aux personnages. Naia Thulin, l’héroïne principale, qui doit décider si elle accepte le poste d’enquêtrice dans une nouvelle unité d’investigation criminelle. Elle s’est promis de passer plus de temps avec sa fille de 12 ans et de ne plus penser au boulot lorsqu’elle rentre, se retrouve dans le feu de l’action d’une enquête complexe. Et elle se retrouve avec Mark Hess avec lequel elle formait le binôme star d’Octobre et que leur histoire d’amour s’est arrêtée. Mais le meilleur personnage est Marie Holst, la mère de la lycéenne, détruite par l’assassinat de sa fille, obsédée à retrouver le coupable au point de négliger ses deux fils.
La tension monte d’autant crescendo qu’à chaque fois, Søren Sveistrup immerge complètement le lecteur dans le vécu des différentes victimes du tueur. On voit l’engrenage d’emprise qui se met en place à coups de SMS, on sent la terreur qui monte en eux sans avoir qui va être la dernière victime et tout en sachant de quoi le tueur est capable. On a souvent l’impression de se rapprocher de ce dernier sans pour autant avoir la moindre idée de son identité.
Bien sûr, il y a des fausses-pistes qui clignotent (un peu trop) mais qui rendent dingues car on a un coup d’avance sur les enquêteurs en terme de timing. Et on se bouffe les doigts de voir l’enquêtrice prendre beaucoup trop de temps pour ouvrir LE dossier qui va donner la clé. Ces facilités scénaristiques ne gâchent en rien le plaisir du lecteur. Le fil rouge des extraits de comptines cache-cache est terrifiant. A chaque fois qu’on en voit une apparaître dans les pages, on ne peut s’empêcher de frissonner, au plus près de ces peurs quasi enfantines qui empêchent de dormir. Les 700 pages se lisent toutes seules.
Le scénario est d’une complexité machiavélique car il fait monter le suspense au point de perturber le raisonnement d’esprit du lecteur, qui, même affuté, aura du mal à deviner l’identité du tueur, ses mobiles et ressorts, tant que l’auteur ne l’a pas décidé. Une réussite qui ravira les amateurs de thrillers efficaces et divertissants !
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Marie-Laure Kirzy
