Complosphère et réseaux sociaux : l’air des temps modernes souffle fort dans les couloirs du Bastion de la PJ où le dernier polar de Christophe Molmy a obtenu le Prix du Quai des Orfèvres 2026.

Christophe Molmy fait partie de ces flics passés de l’autre côté du miroir, ceux qui ont troqué leur insigne contre la plume. On découvre (tardivement il est vrai) cet ancien responsable de la BRI parisienne, celle qui mena l’assaut contre les terroristes du Bataclan en novembre 2015.
Son dernier polar, Brûlez tout, vient de se voir décerner le prix du Quai des Orfèvres 2026.
Dans ce roman, Molmy prend tout son temps pour installer ses personnages : quelques enquêtes et péripéties nous sont même servies en guise de hors d’oeuvre avant le plat de résistance.
Le lecteur va se retrouver embarqué à la PJ dans le ‘groupe‘ de Sacha Letellier, aux côtés de Coline, de Yannick et du jeune Louis.
L’ambiance est classique, façon série tv policière, chacun des flics traîne quelques casseroles perso mais tous sont d’excellents enquêteurs de terrain.
Du moins jusqu’à une filature qui tourne très mal : « interpellation ratée. Ce n’était qu’un événement malheureux, imprévisible. Personne n’était responsable… Mais chacun se sentait coupable. »
Le ‘groupe’ se retrouve sous tension, au bord de l’implosion.
Et voilà que les réseaux sociaux et la complosphère s’emballent pour un mystérieux groupuscule de Watchmen qui appellent à la révolte, façon Acte XXXII des Gilets Jaunes : incendies de banques, tabassage de personnalités désignées à la vindicte populaire, … les autorités sont débordées et mettent la pression sur le groupe de Sacha : « au boulot, trouvez-moi un coupable ! ».
Ce scénario (anticipation ? politique-fiction ?) est mis en place de façon plutôt crédible et tiendra le lecteur en haleine jusqu’au bout.
On tient là un bon polar de facture plutôt classique : une équipe de flics (un ‘groupe’ d’investigation de la PJ) avec des personnages bien travaillés, un scénario solide à rebondissements, quelques surprises et une intrigue sur laquelle souffle l’air du temps (Gilets Jaunes, complosphère, réseaux sociaux, …).
Honnêtement, je redoutais que Christophe Molmy en fasse un peu trop dans ce registre techno-branché mais fort heureusement il ne cède pas à la facilité.
Le tout est servi par une prose fluide, rythmée et sans surprise : voilà un roman qui plaira aux fans de fictions policières à la française.
On notera au passage que les propos des Watchmen ne donnent pas tant que ça dans le délire complotiste et sont plutôt à décrypter avec lucidité car ils ne sont pas dénués de fondement, loin s’en faut. Tout comme les personnages de Sacha Letellier et de son indic François De Bray, ces discours véhéments participent au ton noir et désabusé du roman : en bref, notre société part en sucette !
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Bruno Ménétrier
