Fanny Vaager et Annika Linn Verdal Homme s’interrogent, et nous avec elles : Peut-on pactiser avec le mal ? Plus largement, est-on responsable des débordements de ses fans ?

Asha, Ivy et Farzana, trois rappeuses norvégiennes politiquement engagées et féministes, sont approchées par une agence de publicité qui leur propose d’enregistrer un titre pour Tatol ; une compagnie pétrolière qui pourrait être le faux nez d’un géant de notre CAC 40. Gênée par une réglementation écologiste, Tatol souhaite récupérer la liberté d’exploitation des hydrocarbures du pays et, pour cela, envisage de rajeunir son image. Les jeunes femmes hésitent à associer leur nom à un pollueur. Mais, pour de l’argent, une rémunération qui leur permettrait d’investir dans du matériel et d’abandonner leurs emplois alimentaires, elles acceptent de produire un « son bidon », qui ne cachera rien de leur profonde aversion pour Tatol. Associée à la photo d’une Tesla en feu, la diffusion de leur chanson provoque un buzz, un énorme buzz. Les followers affluent sur les réseaux de Tatol, la controverse y est vive, les débats ont tôt fait de s’enflammer.
Le trait d’Annika Linn Verdal Homme ne laissera personne indifférent. À l’image d’une couverture étonnement agressive, elle n’épargne pas ses lecteurs. Son trait est rapide et ses personnages caricaturés. Elle n’hésite pas à alterner des gros plans de ses héroïnes avec des pages de publicité, des mails, des photos retouchées et des images psychédéliques.
Si le dessin peut déranger, le scénario de Fanny Vaager est diablement malin. La question est grave : que risque-t-on à vendre (un peu de) son âme et à partir avec l’argent ? Que risque-t-on à accepter l’offre d’un véritable corrupteur ?
Or, la mauvaise blague semble être prise au sérieux par des « radicaux ». Des Tesla sont brûlées et les vidéos des incendies circulent sur Internet, avec pour fond leur musique. La presse alimente la polémique. Un agent de Tatol est agressé et laissé pour mort. L’agence de communication jubile.
Ivy et Farzana décodent décident de se retirer, de rendre l’agent, tandis que Asha propose de réagir, de composer et d’expliquer leur position… Elles n’ont jamais voulu cela… Après une incursion, pour le moins curieuse, dans le fantastique, la résolution est d’un cynisme absolu. Le mal corrompt et, trop souvent, gagne…

Stéphane de Boysson
Photo d’une T3sla en feu
Scénario : Fanny Vaager
Dessin : Annika Linn Verdal Homme
Éditeur : l’Agrume
302 pages – 23,50 €
Parution : 25 septembre 2025
Photo d’une T3sla en feu — Extrait :

