Mark Eacersall et Amélie Causse livrent une belle histoire d’amour, l’amour du fils du nouveau (très) riche pour la jeune œnologue, mais aussi pour le patient travail de la vinification.
Wei, le fils probablement unique et gâté d’un millionnaire chinois, est désœuvré, narcissique et inconséquent. Or, en souvenir de sa femme, son père vient d’acquérir un petit vignoble médocain, un cru bourgeois en perdition. Après une dernière frasque, Wei y est envoyé en punition. Le choc culturel est total et brutal.
Bordeaux Shanghai est un excellent feel good book. C’est une comédie romantique bien troussée, aux personnages finement écrits, et qui finit fort bien. Ce pourrait être, l’époque est bien choisie, l’avatar bordelais et dessiné d’un « film de Noël ». Pensez à La vie est belle de Frank Capra, à ceci près, que l’intervention divine y est remplacée par un très agnostique séjour d’un an dans la campagne girondine.
Mei jongle entre le chinois, l’anglais et le français. Le traitement de la barrière de la langue est habile, il est le moteur de situations comiques. Le scénario de Mark Eacersall associe la confrontation entre deux cultures opposées, celle du millionnaire chinois et celle de la technicienne passionnée, et une introduction aux secrets de la vinification, de la dégustation et aux codes de la bourgeoise locale. Cette initiation a été entamée dans le récent et (plus) caustique Palmer dans le rouge. Je n’oublie pas la guerre commerciale, mâtinée de lutte des classes entre grand crus et petits bourgeois, elle a aussi fait les beaux jours de la longue série Château Bordeaux de Corbeyran et Espé. Décidemment, la BD apprécie le Bordelais !
Le dessin d’Amélie Causse est classique, mais très agréable ; goulayant diraient les indigènes. Consulté, Le Robert précise : « Frais et léger, facile et agréable à boire ». Ses décors portent le récit, nous accompagnons Wei dans sa découverte de la vigne. Son travail sur les couleurs illustre le passage des saisons sur rangées de ceps et les vieilles bâtisses de pierre.
Au final, je retiens que le plaisir est une affaire sérieuse et qu’il semble plus rapide de changer le cœur d’un homme, douze mois suffiraient, que de faire un bon vin. Profitez, c’est la magie de Noël.
Stéphane de Boysson
Bordeaux Shanghai
Scénario : Mark Eacersall
Dessin : Amélie Causse
Éditeur : Bamboo/Grand Angle
208 pages – 24,90 €
Parution : 17 septembre 2025
Bordeaux Shanghai — Extrait :
