Fabrice Colin et Bartolomé Seguí livrent une adaptation glaçante et audacieuse du thriller de Roger Jon Ellory, où la tension psychologique et la violence sourde s’entremêlent pour explorer les abîmes d’une âme criminelle.

Catherine Ducane, la fille du gouverneur de Floride, a été enlevée. Trois jours plus tard, son garde du corps est retrouvé salement amoché dans le coffre d’une voiture. La police est sur les dents et le FBI bientôt de la fête. Ernesto Perez, un inconnu, demande à parler à Ray Hartman, un petit flic de Washington. Lui seul sait où est la jeune femme. Perez se présente à la police. Il exige qu’on l’écoute, il prétend être tueur pour la mafia.
En éliminant l’enquête contemporaine pour se concentrer sur les aveux de Perez, Fabrice Colin élague le roman fleuve de Roger Jon Ellory. Fils unique d’un homme alcoolique et violent, Perez découvre sa vocation le jour où un commercial lui propose de changer sa vie en échangeant une encyclopédie contre les économies de ses parents. Il prend les livres, tue froidement le tentateur et fait disparaître le corps. La scène est glaçante. Après que son père ait tué sa mère, il file à Cuba. Il y gagne sa vie en tuant et en dépouillant des homosexuels. Une seconde fois, son destin bascule quand il est repéré par un parrain local impressionné par son sang-froid. Il découvre une « famille » et il ne tuera désormais plus que pour elle.
Perez raconte cinquante années au service de la mafia italienne, avec ses sempiternelles guerres de territoires, la compromission des politiques, les vendettas, mais aussi la quête d’une forme d’honorabilité. Avec Les Affranchis de Scorsese ou Le Parrain de Coppola, le cinéma a largement contribué à sa notoriété. Perez se marie, élève ses enfants et développe une forme d’éthique, mêlant d’amour du travail bien fait et la fidélité, sans faille, à la « famille ». Le rapprochement avec Un Tueur sur la route est tentant, mais les tueurs de James Ellroy étaient plus cyniques. Au fil des pages, le lecteur ne peut s’empêcher de développer de l’empathie pour cet homme.
Le dessin de Bartolomé Seguí est sobre et réaliste. Le minutieux travail de reconstitution est louable. Les couleurs froides accentuent la prise de distance. Même s’il ne nous les montre pas tous, il a l’honnêteté de ne rien cacher de la violence extrême des assassinats. Si Perez est malin et prudent – il prépare ses coups et n’abandonne derrière lui ni traces, ni témoins –, il se laisse alors emporter par sa furie exterminatrice.
Que veulent nous dire les auteurs ? Un criminel peut aimer son travail, c’est possible. Mieux, il peut vivre avec une parfaite bonne conscience. C’est hélas fort probable, des bourreaux du KGB ou la Gestapo sont mort paisiblement dans leur lit. La mort était leur métier.
Contraint par un format fatalement un peu court, la fin multiplie les surprises et répond à quelques-unes de nos questions. Mais, Perez peut-il s’imaginer s’être racheté ? À vous de lui répondre.

Stéphane de Boysson
Vendetta
Adaptation du roman de R.J. Ellory
Scénario : Fabrice Colin
Dessin : Bartolomé Seguí
Éditeur : Philéas
136 pages – 21,90 €
Parution : 25 septembre 2025
Vendetta — Extrait :

