« Le Chant des forêts » de Vincent Munier : à l’affût du grand tétras

Quatre ans après La Panthère des neiges, c’est vers ses Vosges natales que Vincent Munier tourne sa caméra. Son documentaire, histoire d’une transmission familiale, nous transporte au cœur de majestueuses forêts où se déploie une fascinante vie animale.

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|Copyright Haut et Court

Le Chant des forêts nous offre des images que Michel Munier, naturaliste et photographe, et son fils Vincent, réalisateur, ont mis des jours, des semaines, des années parfois à capturer. Certaines tout près de chez eux, dans les forêts vosgiennes où ils ont grandi, d’autres dans la Norvège septentrionale. Tiré du livre de Michel Munier L’oiseau-forêt, le documentaire nous plonge par le truchement de Simon, le fils de Vincent, au cœur d’une nature sauvage mais menacée, à l’image du grand tétras, que le dérèglement climatique a chassé de notre territoire. Éloge de la patience et appel à l’éveil de tous nos sens, Le Chant des forêts est le récit d’une transmission. Celle qui, sur trois générations, a conduit les membres de la famille Munier à entrer amoureusement dans l’intimité de la faune et la flore de leur région. Celle aussi qui constitue l’histoire de l’humanité, tout entière contenue dans ces forêts où tout ne cesse de naître, de mourir et de renaître.

le-chant-des-forets-afficheSur le mode éprouvé du « grand-père, raconte-moi », dans une cabane forestière éclairée à la bougie, le film déroule les souvenirs de longs moments d’affût dans la montagne, de rencontres animalières, d’épisodes marquants de la quête par Michel du grand tétras, à laquelle on le verra plus tard associer, sur le terrain, son petit-fils. Dans un décor presque fantastique de forêts noyées dans la brume, se cache tout un monde qui vole, grimpe, court, nage. Le générique de fin les crédite tous, ces animaux aux noms poétiques que le film nous aura permis de contempler ou d’entrevoir, d’écouter ou d’entendre, cris étranges ou chants mélodieux surgis du ciel ou des arbres. Ces animaux qui nous auront émerveillés : de la beauté du grand tétras, ce coq ancestral à la queue en panache et aux yeux surlignés de rouge, à la grâce d’une biche traversant un lac à la nage avec son faon, à la drôlerie des chouettes aux mimiques cocasses, ils nous saisissent tous par leur expressivité et, d’une certaine façon, par leur humanité.

Ces superbes images et ce fascinant univers sonore pourraient se suffire à eux-mêmes. Ils sont pourtant sous-tendus par une réflexion philosophique sur la beauté de la nature, sur la place de l’homme dans le monde, sur la fragilité de notre planète et les menaces qui pèsent sur elle, sur la nécessité de la sauvegarder à l’heure où le grand tétras, ‘l’oiseau qui appelle le jour », a disparu de nos latitudes. Rares sont ceux en effet qui, comme les Munier, se soucient d’elle, et Simon incarne en ce sens une relève bienvenue : le garçon de douze ans à qui Michel demande de mettre ses pas dans les siens, aura tôt fait, on le pressent, de devenir celui qui précède son grand-père. Mais Le Chant des forêts relève d’une démarche plus poétique que didactique, où nous entraîne celui qui se dit « guetteur de lune ». Par son caractère contemplatif, la sobriété de ses commentaires, la qualité de sa photographie, les partis pris musicaux de Warren Ellis, le film constitue une invitation à l’introspection en même temps qu’à la reconnexion avec une nature en danger.

« La nature n’est pas un spectacle, c’est une vie partagée » nous dit Vincent Munier. Là est tout l’enjeu de son documentaire : redonner à la forêt sa place, dans un monde où l’homme saurait s’effacer, se mettre patiemment à son écoute et se plier à son rythme. Une vie à l’affût, comme celle de Michel ou de Vincent Munier, cela signifie « se taire, écouter et voir, peut-être ». C’est un autre rapport au temps, très éloigné de la frénésie de notre quotidien, que met en scène Le Chant des forêts – plus de huit cents nuits passées sous un sapin pour apercevoir un grand tétras. C’est aussi ce qu’il restitue par une lenteur que le spectateur, peut-être, mettra un moment à apprivoiser. Alors redécouvrira-t-il sa capacité à s’émerveiller devant la beauté du monde : des cerfs en pleine parade nuptiale, un renard qui traverse un champ de neige, un lynx qui surgit au moment où on l’attend le moins, et, en manière d’apothéose, l’apparition du grand tétras.

Anne Randon

Le Chant des forêts
Film français de Vincent Munier
Avec Michel Munier, Vincent Munier, Simon Munier.
Genre : documentaire
Durée : 1h35
Date de sortie en salle : 24 décembre 2025

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