musique

Dour festival 2006 

du 13 au 16 juillet

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Le festival de Dour se présente comme LE festival européen des musiques alternatives. Et il est vrai que les programmateurs ont pour parti pris d’éviter le recours facile aux grosses têtes d’affiche. On a donc échappé aux Placebo, Depeche Mode et autres Franz Ferdinand omniprésents cette année dans la plupart des autres festivals. Pas besoin de ça, ici, pour attirer la grande foule ! La réputation de Dour, en terme d’ambiance, et d’éclectisme suffit. Et c’est donc l’habituelle faune bigarrée qui a investi joyeusement la plaine de La Machine à Feu. On le répète chaque année, mais à quel autre endroit peut-on voir métalleux, techno-kid, gothiques, rastas, fan d’indie-pop et rappeurs se mêler dans un tel climat de tolérance et de fête ?

 

La mise en train se fait avec The Whitest Boy Alive, groupe electro travaillant avec Erlend Oye, et agréable surprise : là où on pouvait craindre un set ronronnant, on se retrouve avec une performance très pop, légère et sautillante.

On aurait aimer voir comment Jackson servait en live sa techno influencée par Aphex Twin. Malencontreusement, le garçon a confondu l’horaire de son sound-check et celui de son concert, ce qui a entraîné un retard trop important pour notre planning serré. En effet un peu plus loin, commencent les anglais d’Art Brut qui montrent, de suite, leurs impressionnants progrès sur scène grâce notamment à un son bien plus dense. C’est avec une parfaite maîtrise qu’Eddie Argos, leur leader, enchaîne à un rythme échevelé ses petites vignettes sur le rock, l’Angleterre et les clichés inhérents à ces deux sujets. C’est joyeux, frais et énergique. De l’énergie, les Infadels n’en manquent pas, ce n’est malheureusement pas suffisant pour cacher la vacuité et la monotonie de leur répertoire. On réserve donc notre enthousiasme pour Maximo Park, où, mini-révolution, le parolier, pour cacher sa calvitie naissante, a troqué sa grande mèche ridicule contre un Borsalino : c’est plus classe ! Aussi quand un festivalier taquin surgit pour lui voler son précieux couvre-chef, on frôle l’incident diplomatique, le chanteur abandonnant ses camarades sur scène. Ceux-ci improvisent donc une plage musicale de cinq minutes, le temps que leur leader revienne de nouveau dûment chapeauté. Ils finissent ainsi un concert plein d’entrain et de fougue. Seul bémol à leur performance très réussie alignant les pépites de leur excellent premier album : on aurait aimé découvrir plus de nouveaux morceaux. 

 

Têtes d’affiche du 1er soir, les Primal Scream, s’appuyant sur un son de guitares énorme, délivrent un set envoûtant et très, très rock. La voix de Bobby Gillepsie, toute en incantations répétitives, monte en puissance et en excitation tout le long du show pour finir en cris survoltés ; le nom du groupe prend alors tout son sens.

Impossible, cette nuit, de retranscrire, la ferveur présente, au cœur de la tente Drum’n’Bass, où de très grosses pointures officient (Roni Size, Dilinja...). Un vrai magma humain s’est emparé du chapiteau, en rendant l’accès difficile et transformant le lieu en véritable fournaise.

Pour notre 2ème jour, le vent qui rendait la température supportable s’affaiblit et on s’apprête à attaquer un week-end caniculaire. Les Ms John Soda, dans une ambiance moite, présentent leur electro-pop planante dans un concert agréable, et élégant mais sans surprise ( on ne leur en demandait d’ailleurs pas ). Le disque des Islands est une des très bonnes découvertes de l’année : une pop bricolée et fraîche. On nous a prévenu que sur scène leur musique est différente. Effectivement, c’est un massacre ! Un son dix fois trop fort et largement déséquilibré, avec une section rythmique écrasant tout le reste, transforme la prestation des ex-Unicorn en une bouillie inaudible. Et ce ne sont pas leurs sauts de cabris surexcités qui vont sauver ce désastre. Espérons qu’ils sauront, dans l’avenir, s’accompagner d’un ingé-son digne de ce nom. La suite du plateau du jour étant d’un bon niveau, la comparaison sera peu flatteuse pour les Canadiens. Ca commence avec 31 knots, trio originaire de Portland, qui distille un postcore acéré tendant vers l’émo, dans un style très fluide et porté par la voix touchante de Joe Haege. S’ensuit ce frappadingue de Troy Von Balthazar, qui, entre chaque morceau, joue à l’imbécile heureux avec ses rires sardoniques et ses mini-danses bizarres. Le summum dans le genre sera atteint avec la danse aux claquettes du lapin, l’hawaïen s’étant affublé d’un masque de l’herbivore. Entre temps, seul sur les planches, il appose, par couches successives, ses boucles de guitare pour construire des morceaux mélancoliques mais entraînants. Il rappelle ainsi qu’il n’y a nul besoin d’être une demi douzaine pour développer une véritable énergie rock. Les Giant Drag ne sont pas nombreux non plus - ils sont deux sur scène - mais font un raffut du tonnerre, avec leurs chansons évoquant -surtout au niveau de la voix- des Mazzy Star qui auraient découvert les vertus de la vitesse. Annie Hardy, la chanteuse toute menue, dialogue beaucoup avec le public, se fendant d’interventions souvent pleines d’humour. Au final, une prestation très attachante.

Le Dimanche, on commence par le hip-hop loufoque du Klub des 7, entité hybride composée de membres du Klub des Loosers, de L’atelier, de TTC et des Svinkels. Le show, où les différents MC’s se succèdent, est dynamique mais l’ensemble manque d’unité. En tout cas, Fuzati, le rappeur dépressif de Versailles, rappelle qu’au niveau des impros, il est vraiment une taille au dessus. On change de chapiteau pour apprécier Mono, groupe de post-rock japonais. Leur musique évoque clairement les 1er EP de Mogwaï. Ce n’est pas désagréable mais assez linéaire. Sur la longueur, ça lasse. Direction donc l’une des deux grandes scènes où Nada Surf officie devant un soleil de plomb. Rien de bien révolutionnaire dans leur set qui navigue surtout entre les deux derniers albums. Mais les New-Yorkais francophiles restent l’un des groupes les plus attachants du moment. Leur sincérité, leur simplicité et leur joie enfantine de jouer ensemble balaient toute réticence. On a juste le temps de voir la fin du concert des Brakes, formés par des restes d’Electric Soft Parade et de British Sea Power ,qui livrent une sorte de pop-country pas très excitante. Changement radicale d’ambiance avec les Bell Orchestre. Vous prenez un cor d’harmonie, une trompette, une contrebasse, un violon, et une batterie. Vous essayez d’imaginer le son le plus dingue que vous puissiez obtenir avec ces cinq instruments et vous serez encore loin du résultat : une musique très dynamique, indomptable, ahurissante, n’hésitant pas utiliser des accords difficiles et dissonants : une vraie belle claque ! Et ce n’est pas avec Animal Collective qu’on se remettra de nos émotions. Déjà sur disque on a du mal à croire à ce qu’on entend mais alors en live, c’est l’hallu complète ! A leur néo-psychédélisme barrée, les New-Yorkais ajoutent une sauvagerie et une violence époustouflantes dans l’utilisations de leurs voix. Et c’est au bord de la transe qu’ils finissent leur show fiévreux. La température retombe malheureusement très vite devant The Dandy Warhols. Les petits poseurs américains semblent répéter inlassablement la même chanson pendant une heure. On se demande comment ils se maintiennent depuis plus de dix ans avec un répertoire si monotone. Les jambes et les yeux commencent à se faire très lourds, surtout après la prestation de la bande à Courtney Taylor, mais il faut tenir pour voir un des grands moments du week-end wallon :……And You Will Know Us By The Trail of Dead  se présente avec six musiciens, la plupart multi-instrumentistes. Leur rock noisy et intense, appuyé par deux voix habitées, prend de suite aux tripes et nous entraîne dans une odyssée sonique vers l’inéluctable chaos final, où tous les musiciens s’écroulent les uns sur les autres.

S’écrouler, c’est bien ce que commanderait notre cerveau à notre corps fatigué après ce long week-end ardent de musique et de fête. Quoiqu’il en soit, tout en maintenant ce qui fait sa spécificité ( esprit de découverte et de tolérance, grand libéralisme du service d’ordre, intransigeance sur l’affiche proposée...) le festival de Dour a réussi à battre à nouveau son record de fréquentation. Sur quatre jours, 134 000 personnes se sont dispersés sur les 6 scènes, où près de 250 noms se sont succédés. Mais, avec notamment des artères plus larges entre les différentes tentes, les organisateurs ont réussi à maintenir une ambiance respirable et à conserver le caractère ultra-festif de cet événement. Vivement le Dourfestival 2007 !

 

Guillaume Duranel

 

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www.dourfestival.be/fr

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