Hors jeu, de Bertrand Guillot

horsjeu.jpgBienvenue. Bienvenue dans le monde des Dominants et des Dominés. Bienvenue dans le merveilleux monde des parvenus, des cadres issus des plus grandes écoles de communication et de publicité. Ce monde où vous n’êtes rien si vous n’êtes pas au somment de l’échelle sociale. Bienvenue dans le monde de Jean-Victor Assalti.
Enfin, dans son ex-futur monde. Car Assalti est retombé bien bas : chômage, perte de prestige, légère dépression. Il ne peut que s’en relever. Et ce sera, aidé par un de ses amis Dominants lors d’un pari idiot, grâce au plus voyant des miroirs populaires de la société : la télé et ses jeux. Jean-Victor décide de s’inscrire à  l’un d’entre eux, et démarre une laborieuse reconquête des sommets, d’entretiens à  l’ANPE ou différentes boîtes aux étapes dans la participation au jeu télévisé »La Cible » (quizz téléphoniques, rendez-vous, enregistrements d’émission ») en passant par quelques rencontres amoureuses. Pour notre héros cynique et désabusé, la vie ne peut plus se concevoir que devant une caméra, maquillé et presque travesti, avec le secret espoir de paraître et de redevenir le Dominant que l’on a été et que l’on doit demeurer.

D.’emblée, le roman de Guillot plante le décor et impose son ambition : décortiquer des milieux que l’auteur doit bien connaître. l’insupportable milieu de la »pub » et de la « comm » , fait de snobisme et d’épate sociale, de luxe éphémère et cynisme continu, ainsi que les recrutements dans ce genre de milieu professionnel, le disputent à  une minutieuse description de l’envers du décor télévisuel. Style alerte, chapitres courts, rythme haletant : »Hors-Jeu » se lit vite, aisément, sans pour autant passionner intensément.
La faute peut-être au message que veut délivrer Bertrand Guillot. Le départ est éminemment beigbederien (monologue d’un nanti issu des milieux de la pub) pour peu à  peu s’en éloigner et affirmer sa singularité (le narrateur se joue du milieu populaire où il vient de s’échouer pour mieux se hisser à  nouveau dans des sphères sociales plus élevées). Ce parti-pris caustique, bien marqué par une écriture sèche et drôle, va jusqu’au bout et c’est probablement là  que réside le souci : tout est fait, dans ce roman, pour ne pas aimer ce personnage jusqu’au-boutiste et presque inhumain. De plus, le roman bascule dans un sentimentalisme bon teint quand surgit le désir amoureux chez le héros. Il semble, à  ce stade du récit, trouver une espèce de rédemption, le lecteur se sent prêt à  l’apprécier »mais la fin du roman, assez surprenante finalement, remet vite les pendules à  l’heure :  » Dominant je veux rester, Dominant je resterai. « . De fait, »Hors-jeu » devient un roman ambigü, difficile à  aimer puisqu’il reste à  contre-courant de ce que l’on souhaite.

Grande qualité en tout cas : faire réagir son lecteur »Hors-jeu » ne parle finalement que de jeu : de mimétisme, de faux-semblant, de compétition, d’illusion, de domination. La vie est une loterie parfois agréable, parfois dégueulasse. Plutôt que de subir les banqueroutes, pourquoi ne pas provoquer les bancos ? Guillot y répond de manière très maligne. Son premier roman reste une véritable découverte, une charge féroce et drôle sur un univers déguisé où certains décident de s’y installer pour un moment : le paraître. Frissons »et à  vous les studios !

Jean-François Lahorgue

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Hors jeu
de Bertrand Guillot
Editeur : Le Dilettante
282 pages – 19.5 euros
Format : 14×20.5 cm
parution : août 2007

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