Quatre, de Sébastien Marnier, Anne-Sophie Stefanini, Caroline Lunoir et Fanny Saintenoy

Ils sont 4 jeunes écrivains, comme on dit de ceux qui ont publié un premier ouvrage quel que soit leur âge. Ils sont quatre et se sont rencontrés au hasard des sièges de dédicaces de leurs romans chez leurs éditeurs respectifs. Puis Sébastien Marnier, Anne-Sophie Stefanini, Caroline Lunoir et Fanny Saintenoy, ont décidé de rédiger ensemble leurs second essai. Comme font les groupes de rock. Ils ont travaillé en mode »cadavre exquis » dans l’alcôve du café Sarah Bernhardt qui devient de facto un des protagonistes de leur tranche de vie parisienne. Chacun composant un morceau de l’histoire, chacun prenant part a la découpe du scénario et à  l’évolution de la narration. Ils sont quatre et racontent le chassé croisé entre quatre protagonistes que le hasard fait se croiser autour de la place du Châtelet à  Paris.

Quatre sans qu’il soit possible pour le lecteur d’identifier clairement qui écrit quoi, si la découpe du scénario s’est fait protagoniste par protagoniste ou morceau d’histoire par morceau d’histoire. Alors oui bon il y a bien l’écriture un peu crue et cynique du photographe, les descriptions de la serveuse… Où on croit reconnaître différentes pattes; mais les auteurs ont en tous cas réussi le pari de l’homogénéité.

Le challenge de l’histoire à  huit mains est réussi. On n’a pas l’impression de collage précaire, risque majeur de l exercice de cadavre exquis.

La forme est moderne et le ton est à  l’avenant. Les phrases sont courtes, nerveuses, efficaces. Paris, théâtre de la narration est ici un décor à  peine effleuré. La brasserie épicentre aurait pu être à  Lyon Bordeaux ou Bruxelles que la même histoire eût pu y être racontée mêmement. Seul le café, pointe de compas des cercles concentriques dessinés par les protagonistes, jouit d’un soupçon de définition, de chair. Et encore. En tant que lecteur j’apprécie en général quand un auteur me laisse un peu de place à  l’imagination des lieux et des personnages.

Et pour ça oui les auteurs de ce quadrige narratif ne décrivent pas. Ni la ville écrin, ni vraiment les protagonistes de la narration. ils sont des types humains plus que des êtres de fiction. Le photographe flippant,,  danseuse sensuelle, la serveuse en rupture familiale, l’inadaptée un peu barrée sont des genres plutôt que des gens.

, Mais à  force de réduire tout superflu à  peau de chagrin, à  force de courir à  l’épure pour obliger le lecteur à  créer lui même l’univers, le vécu, et la chair sur les os de leurs héros de fiction; le quatuor aux claviers desquels est suspendu quatre s’expose à  un écueil que les quatre auteurs n’arrivent pas à  transcender. En réduisant tout univers et toute Histoire au rang de dispensable ils m’incitent à  être plus intransigeant avec la narration, avec le fil romanesque proposé.
Et malheureusement je n’y trouve pas mon compte. Jamais je ne trouverai l’Étoile sensuelle, jamais je ne comprendrai ce qui fait bander le photographe, pas une seconde je ne me soucierai du destin pourtant tragique de la serveuse du Sarah Bernhardt. Pas une seule fois je ne me glisserai dans leur fêlures pour y saupoudrer le sel qui les rendra douloureuses. Des héros du roman je ne sais tellement rien, je ne vois ni d’où ils viennent ni ne comprends ce qu’ils pensent ou comment ils le pensent, que je ne peux pas m’attacher à  eux. Je ne peux m’imprégner d’eux. Jamais je ne peux ni maudire ni bénir le sort heureux ou malheureux que leurs inventent leurs quatre auteurs auriges. Je ne suis pas eux. Moi qui attend d’un roman qu’il me fasse m’oublier au profit de la fiction.
Il ne me reste plus comme plaisir de critique passé par le »normatif » d’une fac de lettres bruxelloises qu’à  me piquer au jeu de la méta critique. Et repérer dans le roman les champs lexicaux, les tournures, les formules usitées d’un paragraphe sur l’autre pour essayer de retracer le jeu de piste des quatre écritures mises en commun. C’est un peu maigre comme plaisir pour un lecteur vous ne trouvez pas?

Au plaisir de croiser ailleurs quatre plumes pourtant modernes et agréables.

Denis Verloes

Broché: 288 pages

Editeur : Fayard (27 mars 2013)
Collection : Littérature Française
Langue : Français
ISBN-10: 2213677115
ISBN-13: 978-2213677118
18€¬ environ


Caroline Lunoir, Sébastien Marnier, Fanny… par Librairie_Mollat