Baron Noir

Thriller politique « à la française », Baron Noir marque son empreinte originale par sa mise en scène efficace et discrète, et le jeu imposant d’un Kad Mérad remarquable. Retour sur une des dernières réussites de Canal+.

extrait de baron noir

Le nombre de réactions des hommes politiques suite à la diffusion de la série politique de Canal+ montre, davantage qu’un engouement médiatique, la frontière ténue entre la fiction et la réalité quand on pousse les portes souvent fermées des institutions qui nous gouvernent. Qu’ils aient apprécié ou pas, qu’ils se soient reconnus ou pas, imaginer un témoignage « obligatoire » de leur part pour confirmer ou infirmer les situations présentes dans Baron Noir est un signe de l’importance accordée à la série télévisée française désormais, le caractère « inspiré de faits réels » n’étant finalement qu’une mince valeur ajoutée au phénomène. Et sur ce terrain, Baron Noir surligne le trait. Et avec brio.

Dans cette première saison, qui en appelle normalement une seconde, Kad Mérad incarne un député-maire socialiste, et bras droit du candidat à la présidentielle française. Ecarté par stratégie politique après un entre-deux-tours houleux qui voit son ami accéder à l’Elysée, Philippe Rickwaert (Mérad) garde sa fonction de maire de Dunkerque, mais va, petit à petit, organiser ce qui ressemble à une vengeance politique et accéder, au milieu d’imbroglios judiciaires et multiples rebondissements, aux hautes places politiques et convoitées…

Photo Anna Mouglalis, Kad Merad, Niels Arestrup

Toute ressemblance avec House Of Cards n’est pas fortuite. C’est exactement le même schéma narratif, les mêmes préoccupations scénaristiques ramenées ici dans un environnement français vraisemblable et, forcément, plus humble. Loin de l’imagerie « catalogue glacé » de son homologue US, Baron Noir garde une simplicité de mise en scène, à la limite de l’académisme parfois, mais qui possède un ton intéressant dans ces échappées… Le cheminement politique des protagonistes, avec en parallèle leurs liens ou trajectoires privés (amis-ennemis intimes, familles génétiques ou politiques, histoires de classes ou de cul), impose une ligne claire, réussie, et son lot de suspens et d’accroches type cliffhanger qui obligent le spectateur quelque peu enclin à rentrer dans ces histoires complexes de pouvoir, de déguster cette grandeur et décadence jusqu’au bout. Et de jubiler.

Au final, Baron Noir reste une très bonne surprise. D’abord par le choix de mise en scène simple et efficace comme nous l’avons dit, mais aussi de ses acteurs : Anna Mouglalis plus ténébreuse que jamais (cette voix…), Niels Arestrup imposant en président quelque peu anxieux, véreux mais aussi dépassé… et surtout Kad Mérad, qui prouve désormais qu’il peut jouer autre chose que le bon pote un peu lourdaud dans des comédies nulles. Il (s’) impose dans un rôle taillé sur mesure, mais étrange, où les successions de sentiments ne doivent jamais réellement transparaître. Et il arrive à jouer cela avec une sobriété exemplaire, à tel point qu’il en crève l’écran sans en faire des caisses. Dernière actrice de cette série : la cité portuaire et industrielle de Dunkerque, mélange d’écume et de bitume, et surtout écrin paysager parfait pour les tribulations corrompues et sournoises du personnage principal. Encore une fois, le Nord montre sa puissance ciné- et télégénique, et rend ce thriller politique encore plus puissant, intéressant, et remarquable.

4

Jean-François Lahorgue

Baron Noir
Série française créée par Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon
Avec : Kad Merad, Niels Arestrup, Anna Mouglalis…
Huit épisodes de 55 minutes
Diffusion : Canal + février et mars 2016