Proies faciles – Miguelanxo Prado

Il existe différentes façons de nuire à un prédateur. Pour venger les proies des requins spéculateurs, le citoyen Miguelanxo Prado a choisi la fiction. Un polar-réquisitoire contre le cynisme financier.

Proies faciles – Miguelanxo Prado

 

En 2007, la crise financière avait provoqué un désastre socio-économique en Espagne, broyant les citoyens mais enrichissant de millions d’euros les plus cyniques. Six ans après, une série de meurtres est commise, semblant tous porter la marque de la vengeance contre les responsables de cette crise. L’enquête révélera que la violence ne vient pas forcément d’où on l’attend…

Proies faciles – Miguelanxo PradoDans un contexte international où l’économie et la sacro-sainte finance semblent toujours primer sur le bien-être de l’humanité, ce polar social est une pierre de plus dans le jardin des cyniques et des puissants. Car il faut rappeler ce constat alarmant martelé par le fameux mouvement des Indignés : 1 % de la population mondiale possède davantage que les 99 % restants ! Et le mouvement ne fait que s’accélérer ! Citoyen espagnol, Miguelanxo Prado a déversé sa légitime révolte dans cette fiction qui d’une certaine manière vient venger toutes les victimes de la gigantesque arnaque immobilière qui avait entrainé l’expulsion de leur logement une grande partie de ses concitoyens.

L’histoire est menée à la façon d’une enquête policière ordinaire : meurtres en série, interrogatoires des suspects, fausses pistes et prises de têtes, jusqu’à l’aveu du coupable lui-même, au-dessus de tout soupçon. Tous les codes de la série policière sont quasiment respectés, avec comme personnages principaux un duo de flics, l’inspectrice en chef assistée de son fidèle collaborateur, liés tous deux par un rapport quelque peu ambigu où le jeu de la séduction interfère parfois avec la stricte rigueur professionnelle…

Malheureusement, malgré l’irruption d’un sujet d’actualité hautement passionnant, le récit pêche par une volonté de trop coller au genre et perd son impact en oubliant de ménager ses effets. On est à peine surpris lorsque le coupable vient se livrer de lui-même aux inspecteurs, c’est dire… On sent pourtant bien la sincérité et la révolte de l’auteur qui se retrouvent dans les aveux du meurtrier, et on se prend d’empathie pour lui. Mais ces confidences arrivent un peu tard car pendant les premiers trois-quarts du livre, le lecteur aura été noyé dans des détails plus ou moins anecdotiques liés à l’enquête, avec trop peu de respirations, et in fine c’est l’ennui qui prend le dessus. Un peu à l’image du dessin à la fois réaliste et expressif, quasi maintenu dans son crayonné matriciel, ce qui est loin d’être déplaisant mais ne fait que renforcer cette impression de grisaille narrative. Pour autant, ce n’est pas mauvais, tant s’en faut, mais alléché par un tel pitch, on pouvait s’attendre à quelque chose de beaucoup plus marquant, de plus percutant.

Laurent Proudhon

Proies faciles
Scénario & dessin : Miguelanxo Prado
Editeur : Rue de Sèvres
96 pages – 18 €
Parution : 11 janvier 2017

Proies faciles – Miguelanxo Prado – Extrait :

Proies faciles – Miguelanxo Prado


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