AC/DC – Highway to Hell : L’éducation Sentimentale

La grande vague Punk n’est plus qu’un souvenir vieilli, tagué au marqueur sur un mur de London City. Les Punks sont rentrés à la maison ou ont sauté à pieds joints dans la Cold Wave. La mode des crêtes et des épingles à nourrice est passée en cette année 1979, mais le Punk n’est pas tout.

AC DC - Highway to Hell

AC/DC vient poser un monument du Hard-Rock en guise d’adieu à ces seventies enflammées. Le Rock prend une ampleur inédite, la chanson Highway to Hell sera un hymne générationnel et Bon Scott tirera sa révérence à la vie dans une grande flaque de vomi. Le Hard-Rock sortira de cet album avec un gros AC/DC marqué au fer rouge sur son joli petit cul potelé. AC/DC est mort. Vive AC/DC !

Là mon pote tu rentres en territoire sacré.

Tu rentres dans l’album mythique que tout bon rocker qui se respecte s’est jeté un bon millier de fois derrière les cages à miel.
Un monument de Blues-Rock crasseux et bourrin que tout bon ado priapique à la pilosité extravagante s’est injecté en intraveineuse entre sa première binouze, son premier beuz et sa première carte de France au fond de son slibard. Le passage obligé vers l’âge adulte qu’heureusement nous n’atteindrons jamais. Les rites tribaux que l’ado chevelu se doit de passer avec succès pour accéder à ce triste célibat que ses cheveux longs et gras, son haleine parfumée à la cervoise réchauffée et son air con lui promettent.

Parce que, oui, la Rock’n’Roll Attitude ça se mérite mon con ! C’est un travail de tous les jours. C’est s’astreindre à une gymnastique quotidienne éprouvante, et depuis tout jeune.

C’est d’abord tes cheveux qui trinquent.
Ces jolies boucles blondes, ces cheveux tout doux qui faisaient la fierté de ta maman ; les voilà longs, ternes, empestant le whisky made in Lidl et le tabac à rouler bon marché ; ou pire encore transformés en une saloperie de crête verte collée à la 8/6 trônant fièrement sur ta tronche de puceau acnéique.
Tes fringues ensuite !
Oubliés les blazers en tweed et autres pantalons en velours côtelé. Du jean mon con !! Du putain de jean sur le bâton d’esquimau qui te sert de corps. Du jean… et du cuir pour les plus friqués. Un jean moulant capable d’arrêter le flux sanguin pourtant démentiel de ton zboub en constante hyper-activité.
Une veste usée jusqu’à la corde où les patchs les plus flippants, les plus dégueux faisaient fuir les dernières donzelles que ta barbe de fin duvet translucide n’avait pas encore fait décarrer à plus de cent mètres.

Les filles, parlons-en des filles, tiens.

Alors quand t’écoutes du Rock, faut que tu fasses une croix rouge sur les filles et sur ton slip par la même occasion. C’est une relation avec ta main droite qui démarre pour quelques années mon con.
J’dis pas qu’au détour d’une soirée trop arrosée, tu pourrais pas tenter un glissage de finger dans le roulé à l’abricot de la Virginie. J’dis pas qu’après moult whiskys servis à la demoiselle en oubliant soigneusement le coca ou en tentant de te faire passer pour un fan de U2, Placebo ou Coldplay, ces groupes de grognasses, bande-mous et aussi hype qu’une coupe mulet sur Jean-Pierre Raffarin, tu pourrais pas essayer de lui faire le coup du débouche-évier ou même rejouer la célèbre réclame Twix en vérifiant si réellement « Deux doigts coupe-faim ».
Mais sans l’aide du très haut, de l’aut’con de Bono ou de Jack Daniel’s, t’auras toujours plus de chances de choper une crampe du poignet qu’une maladie vénérienne.

Un vrai chemin de croix que cette quête du Rock’n’Roll.

Ton petit cul humilié, ton petit cul outragé, martyrisé mais ton petit cul libéré.
Libéré de ce poids, ce poids qui pèse sur tes épaules et dans ton pauvre slip, outragé lui aussi.
Ces efforts, ces brimades, ces rebuffades, oubliés.
T’en a chié petit, mais t’as réussi.

Parce que sans tout ça, sans ces cuites au cubi de rosé dans un vieux parking sous-terrain, sans ces refus des belles du lycée préférant se faire les dents sur les abdos en béton armé de l’attaquant du FC « mescouilles » plutôt que de t’aider à te faire vomir la lotion après-rasage de papa que tu avais attaqué par manque de binouzes. Sans tout ça mon con, tu serais encore en train de chanter du Balavoine au karaoké du coin.
Sans tout ça tu serais passé à côté de ça !

Highway to Hell mon pote.

Sommet de la carrière des électriciens Australiens et dernier « gig » du soûlard magnifique Bon Scott. Tu veux que j’te fasse le topo ?
Je passe rapide sur le premier titre : Highway to Hell.
Blues couillu au riff aussi simple qu’efficace, genre une beigne de Lino Ventura ou une main au paquet de Tracy Lords. Quelque chose de parfait dans l’exécution et qui ferait jaillir des litrons de liquide de ton corps, du sang par le pif avec Lino et ….un autre truc avec Tracy Lords, ‘fin t’as pigé.
Juste après c’est Girls Got Rhythm, petit Rock sympa qui fait ballotter les doudounes de ces dames, avant que ne déboule dans un lent crescendo Walk All Over You dont la lourdeur du riff de gratte n’est que le sublime préliminaire avant qu’Angus Young te crache son solo salé en pleine face, puis s’essuyant aux rideaux avant de décarrer pour te montrer qui est le chef.
C’est ensuite le titre « Pop » de l’album qui vient titiller ton penchant variétoche… Raté mon con !!
Touch Too Much est peut-être le titre le plus « Pop » du skeud mais t’attend pas à du touche-Pipi façon Oasis ou à un concours de minuscules bites des métrosexuels aux dents grises de Muse, non mon pote.
C’est bien du Rock avec du poil aux burnes qui se planque sous le maquillage outré de la Varièt’.
Shot Down in Flames, morceau Rock épique au titre annonciateur, qui effectivement descend en flammes les deux points d’auditions qu’il te restait.

L’attaque Rock « Assédécienne » se termine avec Night Prowler : Blues hargneux, lancinant comme une cheville cassée et puant le cul à dix bornes à la ronde. Une errance sexuelle malsaine, une guitare chaude, transpirante. Une voix perverse qui tente de glisser une main baladeuse dans ton calcif par tous les moyens… et qui y arrive.
Une expérience sensorielle à faire avec un slip de rechange.
Beating Around the Bush, Get It Hot, If You Want Blood (You’ve Got It) ou le très Soul Love Hungry Man lestent encore le disque d’une bonne tonne de testostérone et viennent lustrer ce corps d’athlète avec une huile de vidange épaisse et malodorante qu’Angus fabrique lui-même avec son Marshall poussé à fond.

Un son sec, nu. Une guitare qui ne triche pas derrière un pédalier mais qui s’offre aux appétits des gourmands, comme une Allemande au premier jour de ses vacances, naturelle, sans fard, les pattes et le buisson encore non-épilés. La vérité brute.
Un Blues monstrueux qui déchire sa chemise comme cet enfoiré de Hulk, qui se transforme sous nos oreilles effarées en ingérant ce Hard-Rock bruyant comme un médoc diabolique.
Et Bon Scott !
Scott qui hurle de cette voix aigüe, éraillée. Cette voix qui te pète les dents et te file la gaule en même temps; un peu comme si Clara Morgane devenait ton dentiste.
Bon Scott comme le rebut alcoolo de Robert Plant, l’épine dans le pied du Blues, le rejeton tordu de Janis Joplin. Une mauvaise herbe poussant au milieu du Blues, qui donnerait la plus jolie des fleurs.

Scott signe son dernier album avec AC/DC et la fin du band par la même occasion.
Le groupe malgré le superbe Back in Black et quelques petites érections parsemées sur trente piges ne reviendra jamais au niveau des six albums avec Scott.
Brian « La casquette hurlante » Johnson aura beau nous péter les tympans de sa voix forcée, rien n’ y fera.
Bon est mort. Mon adolescence aussi. Pleure les larmes de ton corps.

Renaud ZBN

AC/DC Highway to Hell est sorti en France le 3 août 1979 sur Atlantic Records