[HBO] Euphoria : images et maux d’ados

Séance de rattrapage obligatoire pour la trop confidentielle série « adolescente » produite par HBO cette année. C’est un témoignage ébouriffant et extrême sur l’adolescence actuelle, tellement difficile à vivre ET à mettre en scène, mais franchement réussi ici. Explications.

EUPHORIA photo
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Depuis le choc Skins il y une décennie, peu d’œuvres sérielles mettaient en scène l’adolescence et ses turpitudes, et encore moins des œuvres de qualité, mis à part peut-être Skam France et son format et enjeu peu communs. Jusqu’ici, la série anglaise était la seule à ausculter les émois et désirs (sexuels, d’avenir, societaux) de jeunes dans leur période à la fois de crise et d’affirmation de soi. Désormais, du côté de l’Amérique, Euphoria fait désormais office de pilier solide et réussi. Qui fera même date, très probablement.

Euphoria affichePourtant, la base est la même : nous suivons quelques jeunes, chacun avec son histoire, ses anxiétés, ses problèmes et ses relations aux autres… tous sont dans le même lycée. Si le personnage le plus mis en avant reste Rue, une jeune toxico qui essaie de réintégrer le monde scolaire mais qui se torture l’esprit à imaginer un avenir serein, la série zoome tout le temps sur ses acolytes, de Jules, une jeune fille trans récemment arrivée au lycée et qui va se lier d’amitié/amour avec Rue, de Nathan, le beau gosse capitaine de l’équipe de foot qui s’interroge sur sa sexualité, Kat la « petite grosse » du lot qui va chercher dans les recoins glauques du web coquin ce qu’elle espère trouver sur elle-même, etc etc…

Des essais de clichés de personnages ados mais volontairement molestés par une intelligence de regard, une mise en scène incroyable et constamment inventive, et des interprétations qu’on ne peut qu’applaudir. Le réalisme parfois très cru des scènes ou des dialogues (l’épisode 1 est d’une violence et d’une force rarement vues à la télé, accrochez-vous…) est toujours contrebalancé par une réalisation poétique, onirique, volontairement tape-à-l’oeil et clinquante, en accointance avec ce que vivent ou ressentent les protagonistes d’Euphoria.

C’est presque un objet pop au contenu édifiant, s’il fallait résumer de manière abstraite.

Car une décennie a pratiquement passé depuis le grand frère Skins, et sa petite soeur, issue d’une nouvelle génération, connaît désormais les réseaux sociaux et ses spécificités et dérives, le binge drinking ou les drogues dures banalisées. Mais aussi l’urgence climatique, le terrorisme, les perspectives d’avenir minces… Et le traitement visuel de tout ce monde d’excès et d’excitation mêlé d’angoisse du futur proche donne un résultat choc et fort, riche en montagne russe d’émotions, de sons (la bande-son est résolument contemporaine et surprenante, parfaite donc…) et d’images fortes. Huit épisodes, huit heures de frénésie juvénile, de moments de grâce ou de bad trips impressionnants.

Jean-François Lahorgue

Euphoria, série américaine de Sam Levinson
avec Zendaya, Hunter Schafer, Jacob Elordi, Maude Apatow
Genre : drame
8 épisodes de 60min environ
Première diffusion sur HBO le 16 juin 2019