Le confinement d’un intermittent du spectacle : KIM Giani

Il nous paraissait intéressant d’avoir le point de vue d’un intermittent du spectacle sur la situation actuelle. On a donc demandé à KIM, un habitué de la maison, de nous raconter son confinement en tant que musicien et de nous parler de solutions qu’il a envisagées pour continuer à générer des revenus.

kim confinement

Comme pour beaucoup de profession autonomes, le temps du confinement est vécu avec beaucoup d’angoisse par les intermittents du spectacle. Chacun tente de trouver des solutions pour rester actif, et surtout visible pour continuer de susciter la curiosité public malgré l’impossibilité de se produire sur scène. C’est le cas de KIM, musicien, chanteur, guitariste dont les revenus proviennent à 80% de la scène et qui, comme beaucoup de musiciens et plus généralement de professionnels du spectacle, ont vu leurs contrats annulés.
KIM qui nous livre son point de vue très éclairé sur la situation actuelle des intermittents qui pour lui lui est bien différente selon la fonction ou le niveau de notoriété de chacun. Il nous explique aussi ce qui lui a mis en place pour tenter de continuer à vivre durant cette période comme des concerts à la demande via facebook live.

En tant qu’intermittent comment vis-tu  le confinement ?

Mon statut s’appelle en effet « intermittent du spectacle ». Mon métier c’est musicien. Il y’a une part qui se passe sur scène et qui déclenche ce statut. Et une partie de création comme auteur compositeur, et là c’est la Sacem qui devient ma caisse.
La partie spectacle de mon métier est mise à rude épreuve. Aller sur scène c’est une expertise, un métier, une promesse de rencontres, une adrénaline, des transports. Tout ça est impossible en ce moment, à moins de le repenser. Quant à mon métier de musicien, je peux toujours le faire comme auteur compositeur.
Pour te répondre, je le vis assez mal, ce confinement, sur le plan professionnel. J’ai eu 14 contrats annulés, le printemps est une saison fournie habituellement, alors c’est inquiétant pour la suite. Aussi, je n’ai pas de tourneurs, je suis autonome, et je sais que quand les tourneurs et les vedettes vont sortir du confinement il ne restera pas grand chose à nous, musiciens plus discret que Mathieu Chedid.

Quels sont les conséquences à plus ou moins long terme pour toi et les artistes dans ta situation ?

Il faut se pencher sur le cas des musiciens de scène pour imaginer. Il y’a plusieurs courants. Les musiciens qui jouent le plus sont ceux qui accompagnent des interprètes ou animent des événements. Pour eux, pas de contrats d’exclusivité avec personne. Ils sont dépendants des interprètes eux même dépendants des tourneurs. Les tourneurs cherchent des engagements pour les interprètes ou les groupes interprètes. Il y’a des chances pour que les tourneurs soutiennent les interprètes mais pas leurs musiciens d’accompagnement. Il y’a surtout des chances pour que les tourneurs et les producteurs de spectacle fassent jouer les assurances, lèvent des fonds bancaires ou des fonds de solidarité. Payeront-ils les musiciens ? J’y crois assez peu. Une interprète comme Angèle peut par exemple récupérer les bénéfices de sa tournée car c’est son nom sur l’affiche et qu’elle a sûrement un contrat avec son producteur de spectacle. Mais les musiciens qui l’accompagnent sur scène, qu’en sera t’il de leurs situations ?

Pour le domaine du théâtre, certaines compagnies assurent tout de même les salaires car les subventions sont peut-être encaissées. Mais les autres compagnies? Il y’a des tas d’exemples très différents. Pour les musiciens comme moi, nous fonctionnons au coup par coup. Tant qu’on ne peut pas jouer devant du public, on ne déclenche pas d’économie. Alors c’est très dur. J’ai pourtant beaucoup de chances. Je fais tout le temps mes heures, je n’ai pas de difficulté à trouver des engagements, alors que je suis un vieux, j’ai 43 ans, je tourne en solo depuis 27 ans et vis de la musique depuis 2001. J’ai 16 ans de statut d’intermittent ininterrompu et pourtant là je suis inquiet.

« Je me suis dit que je devais proposer des vidéos privées sur demande. Soit en live, face à face via webcam, soit en différé grâce à une vidéo live que je prépare puis envoie par mail. Les cams girls et les cams boys le font dans le porno. Pourquoi ne pas essayer en musique ? »

Que penses-tu des solutions proposées par le gouvernement pour le moment ?

Elles sont floues. Le formulaire d’Audiens laisse entendre qu’on ne peut pas avoir l’aide. Le Pôle Emploi change de stratégie tout le temps. On peut comprendre qu’ils soient perdus. Encore une fois, il faut se pencher sur notre statut. Contrairement à ce qu’a menti les médias, nous ne volons le chômage de personne. Il y a des annexes à chaque corps de métier, et pour nous, il s’agit des annexes 8 et 10 du Pôle Emploi. Nos employeurs placent une partie dans cette caisse et une autre dans nos salaires. L’année suivante, cette caisse complète nos salaires les jours non travaillés. Chaque année nous sommes réévalués. Si l’on bouge cette date durant le confinement, qu’en sera t-il des calculs sur mars et avril 2019 ? C’est simple, même sans connaître notre statut, d’imaginer que les mesures sont floues. Tous les jours on apprend des choses plus contradictoires les unes que les autres. Et encore une fois je le comprends. Notre statut fonctionne en mutualité autonome alors que notre métier croise en permanence les fonds privés, puisque nous sommes dans une industrie du divertissement gérée par un gouvernement néo libéral.

Que proposes-tu, toi en tant qu’artiste durant cette période de confinement pour essayer de continuer à travailler et à générer des revenus ?

J’ai la chance d’avoir une activité qui récemment m’ajoute des fonds : je dessine des tableaux. Et on m’en achète. Merci à tous ceux qui me prennent mes dessins, au passage.
Pour ce qui est de la musique j’ai aussi la chance de générer des droits d’auteur, des arrangements, un peu de musique à l’image.
Pour ce qui est de la scène, qui est mon revenu principal à 80%, je me suis dit que je n’allais pas attendre l’été pour chercher des solutions. Car si nous sommes déconfinés à l’été, les métiers qui entourent et participent aux métiers de la scène sortiront d’un printemps de banqueroute. Aucune chance d’être programmé ou si peu, pour un musicien comme moi. Alors j’ai pensé à des choses =, et là je viens de proposer l’une d’elles : des concerts privés en webcam. J’ai toujours joué en webcam depuis que c’est possible. En 2009 j’animais ma chaine de télé Telekim avec ma webcam. Des heures de ces programmes là sont disponibles sur Twitch. A l’époque Twitch s’appelait Justin Tv. A cette même époque je donnais des concerts via Skype en privé. J’ai même fait un concert transmis à Strasbourg via Skype alors que je jouais depuis chez moi à Paris, en 2010.

Quand facebook et Instagram ont permis la diffusion en direct j’ai joué live sur les réseaux, vers 2012, 2015. Au moment du confinement il m’a semblé naturel de jouer mes concerts en webcam. Puis La Biscuiterie, une salle à Château-Thierry, m’a proposé d’envoyer les prestations qu’elle m’avait organisées à Chauny et Soissons en webcam, plutôt que de les annuler. J’ai fait mes vidéos et je les ai envoyées. Ça m’a donné des idées. Car au même moment je voyais facebook et Instagram se faire saturer de vidéo webcam live. Et bien sûr les grosses vedettes n’ont pas pu s’empêcher de venir squatter toute la bande passante. Alors je me suis dit que je devais proposer des vidéos privées sur demande. Soit en live, face à face via webcam, soit en différé grâce à une vidéo live que je prépare puis envoie par mail. Les cams girls et les cams boys le font dans le porno. Pourquoi ne pas essayer en musique? J’ai livré ma première vidéo il y a deux jours et j’ai trois commandes qui viennent de tomber. Je fais vite avant que les grosses vedettes s’y mettent avec des moyens de dingues et en écrasant tout le monde. J’ai d’autres idées en stock que je vais proposer bientôt sur mes pages internet. On verra bien comment ça se passe !  Je croise les doigts.

Pendant le confinement, KIM propose l’intégralité de son bandcamp en téléchargement gratuit et met en ligne un nouvelle improvisation chaque jour sur sa page soundcloud

KIM fait également des concerts live public sur l’application Zoom.

« C’est sur invitation par mot de passe, avec un prix libre à régler en paypal ou lydia. Il y’aura autant de webcams que d’invités. Ainsi ce sera un concert webcam public, en dehors des réseaux sociaux. Aussi nous serons une salle de concert virtuel. On peut être 200 si on veut sur Zoom. Tentons cela ensemble. Ce sera ma première sur Zoom. Je continuerai par ailleurs les webcam lives face à face en privé, live ou différé, payants. Je continuerai aussi les webcam lives gratuits sur réseaux sociaux. Cela dit, via Zoom je vous propose une nouvelle expérience, proche des concerts. A nous de jouer, essuyons les plâtres ensemble. Avant que les grosses machine s’y mettent. Allons y. Inventons d’autres concerts, depuis chez nous. Désengorgeons aussi facebook et Instagram pour se laisser de la place. Je vous attends. »

KIM sur Youtube  et facebook