Thurston Moore – By The Fire : un album en trompe-l’œil

Excitation ou lassitude ? Telle est la question à l’écoute du nouvel album de Thurston Moore, By The Fire, débordant pourtant de bonnes intentions.

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© Jacqueline Schlossman

Désormais c’est du côté de Londres et plus précisément de Stoke Newington que l’ex-chanteur de Sonic Youth trimballe sa dégaine d’adulescent. Ces dernières années, Thurston Moore s’était plutôt éparpillé artistiquement. Entre ses projets solo et ses collaborations, on savait le personnage affable et bavard quand il s’agit de croiser le feu avec les guitares ou d’apparaître dans des documentaires rock.

Thurston Moore - By The FireDepuis la fin « pénible » de Sonic Youth en 2011, il a donc quitté son Amérique natale pour la perfide Albion où il s’est entouré de musiciens à la crédibilité avérée : la bassiste de My Bloody Valentine, le fidèle batteur de Sonic Youth et un gars de Negativland aux expérimentations électroniques, la liste n’étant pas exhaustive.

Avec By The Fire, Thurston Moore a retrouvé une plénitude en devenant le chantre d’un daddy’s noise pas désagréable. Tout d’abord en renouant avec le fil indie-pop perdu depuis A Thousand Leaves (1998) et en enfilant des perles d’apesanteurs qui rappellent Made In Usa (1986). Dans les meilleurs des cas, le guitariste-chanteur empile ses idées, tel un architecte du son, à coup de cassures mélodiques, de rythmiques hypnotiques et de moments contemplatifs à la solde de refrains efficaces. Soit l’inverse des disques noise-arty de son ex-compagne Kim Gordon, bassiste de Sonic Youth.

Alors oui, peu de surprise sur ce nouvel album solo si ce n’est Cantaloupe qui pulse un riff heavy dans la catégorie hard-rock et dont les accords rappellent fortement le superbe Sugar Kane tout comme Hashish, tube en puissance, qui évoque de manière trop évidente le titre Sunday de son ancienne formation. Le choix d’un son clair et brut, dans la lignée de Pavement, rend hommage à l’accordage spécifique et à la particularité du jeu de Moore.
Siren en est le parfait exemple. D’une durée de douze minutes, avec une intro et une voix dont on ne se lasse pas, le titre prend aux tripes, s’énerve intelligemment, qui en fait un de meilleurs moments de l’album. Breath, tout aussi long, commence calmement pour s’emballer avec quelques passages noise foutraques rehaussés par un jeu de batterie particulièrement grandiose signée Steve Shelley.

L’album aurait pu se contenter des ces excellents quatre titres. Mais voilà, Thurston Moore avait sans doute des choses à dire. Caligraphy combine longueur et retenue, et donne l’impression d’une séance d’improvisation que seul le chant parvient à sauver. Les titres – Locomotives, Dreamers Work, They Believe In Love et Venus – ne sont qu’une succession de faux instrumentaux mêlant expérimentations diverses, bricolages bruitistes.

By The Fire, un album en trompe-l’œil, suspend le temps ou le passé sort vainqueur du futur.

Mathieu Marmillot

Thurston Moore – By The Fire
Label : Daydream Library Series / Differ-Ant.
Sortie : 25 Septembre 2020