« La Pierre du remords », un Arnaldur Indridason très lent

La Pierre du remords est le troisième volet des aventures de l’inspecteur Konrad. Avec son style habituel, fait de détachement et de froideur, Arnaldur Indridason nous raconte une histoire compliquée où se mélangent meurtre, viol, vol d’enfants, trafic de drogue, adultère, escroquerie, voyeurisme, violence conjugale.

Arnaldur INDRIDASON
© Philippe MATSAS

La mort de Valborg

Valborg est malade. Valborg va mourir. Elle meurt. Mais pas de maladie. Elle est brutalement assassinée. Cette femme si douce, tranquille et sans histoire … L’enquête de police commence. C’est une inspectrice qui s’en charge. Marta. On ne saura pas grand-chose de plus sur elle – à part qu’elle fume une cigarette électronique avec laquelle elle fait beaucoup de fumée, ce qui apparemment impressionne ses collègues et l’auteur aussi qui en parle souvent. Il faut dire que Marta n’est qu’un personnage secondaire de l’histoire. Le vrai héros est l’inspecteur Konrad – La pierre du remords est le troisième de la série.

Une sorte de super-héros

la pierre du remordsKonrad est un ex-collègue de Marta, maintenant à la retraite. Il s’ennuie. Il est aussi bourrelé de remords. Ennui et remords. Alors il enquête et ça marche là où Marta, et toute la police de Reykjavik, calent. Car l’inspecteur Konrad a beau être à la retraire, il a des ressources. Il a gardé des contacts qui lui permettent d’avoir des informations qui semblent inaccessibles à son ancienne collègue. Et il a de la ressource. Il comprend vite, fait les connexions. Trouve ce qui cloche et regarde là où il faut regarder, pose les questions qu’il faut poser… C’est normal, c’est le héros. Un héros pas très beau quand même. Arnaldur Indridason ne lésine pas sur les défauts – brusque, rarement très aimable, pas très empathique…

Un si petit pays, une histoire si compliquée

Konrad n’enquête pas directement sur la mort de Valborg. Il enquête sur la disparition de son fils. Peu de temps avant sa mort, elle aussi tenaillée par le remords, Valborg avait demandé à Konrad de retrouver le fils qu’elle avait eu cinquante ans auparavant et qu’elle n’avait jamais reconnu. Il avait refusé. Non, il n’en était pas capable. Lui, à la retraite, sans ressources … Maintenant qu’elle est décédée, il décide qu’il lui doit bien ça. Peu importe les difficultés, qu’il résoudra sans peine. Faisant d’une pierre deux coups, il trouve à la fois le fils et l’assassin. Puisqu’il y est, Konrad se met aussi à enquêter sur la mort de son père. Un escroc qui, avec un complice, extorquait des sommes folles à de pauvres bougres en souffrance en leur faisant croire qu’ils étaient en contact avec l’au-delà et leurs parents décédés. Et comme l’Islande est un petit pays et que Reykjavik est une petite ville, les deux affaires se trouvent entremêlées. En réalité, ce sont bien plus que trois affaires qu’Arnaldur Indridason enroule dans La pierre du remords. Une vraie pelote. Il y a des histoires dans l’histoire de l’histoire de l’histoire… des rebondissements qui sont plus des complications qu’autre chose. Le lecteur pourra se demander pourquoi pourquoi Indridason a besoin d’en faire autant.

Beaucoup pour un seul lecteur

Comme c’est le cas chez les auteurs de romans noirs et comme cela l’a toujours été chez Arnaldur Indridason, l’enquête est une excuse. Les turpides de l’âme humaine et la violence du monde, voilà le coeur du roman. Des gens mauvais. Un meurtre. Des viols. Des enlèvements d’enfants. Un voyeur. Une femme battue. Un monde pourri par l’argent. Le trafic de drogue. L’adultère. Des escrocs. Une secte extrémiste (de droite). Des parents indignes. Des gens faibles, très faibles. Tout le mal du monde ou presque y passe. Non pas que cela n’existe pas en Islande – aucune raison qu’ils échappent à ce à quoi personne n’échappe – mais tout ça, en même temps, dans un même roman… ça fait beaucoup de mal pour un seul lecteur, qui pourra se trouver perdu. Mais, s’il est démuni devant cette accumulation, le lecteur pourra être aussi anesthésié par la narration. À l’exception d’un étonnant premier chapitre, un long plan séquence qui dévoile la scène du crime, le crime, et certains protagonistes importants, le reste du roman est assez lent. Très lent. Même l’accélération de la fin – rendue par le raccourcissement des chapitres – semble être au ralenti. C’est le style d’Indridason, sa recette pour faire avaler cette pilule amère.

Alain Marciano

La Pierre du remords
Roman de Arnaldur Indridason
Editeur : Métaillé
320 pages – 21,50 euros
Parution : 4 février 2021