« Quat’ saisons » d’Antoine Blondin (Prix Goncourt de la nouvelle 1975) réédité !

Quat’ Saisons, une réédition salutaire de nouvelles d’Antoine Blondin. Des phrases ciselées, une langue raffinée. Exaltant, euphorisant. Un vrai plaisir de littérature et de lecture.

BLONDIN Antoine
BLONDIN a Paris le 25 mars 1971 – © Keystone-France-GAMMA RAPHO

Lisez-vous encore ces écrivains français de la seconde moitié du 20ème siècle ? Vous souvenez-vous d’Antoine Blondin ? Le lisez-vous encore ? A part les chroniques sur le Tour de France… Non ? Alors ne laissez pas passer la réédition de Quat’ Saisons dans la collection La Petite Vermillon par les éditions de la Table Ronde — qu’elles soit d’ailleurs remerciées de ce travail. L’occasion est certes plutôt triste — 2021 marque 30ème anniversaire de la mort de Blondin. Mais réjouissons-nous de pouvoir nous replonger dans ces merveilles, ces bijoux de raffinement et de sophistication littéraire. À une époque où « être sur » et « être dans » sont en passe de remplacer la plupart des verbes qui existent, à une époque où l’infinitif est le mode de conjugaison qui menace de rester seul en usage, rééditer les œuvres d’Antoine Blondin est faire œuvre de salut public. Le relire ou le lire est œuvrer pour sa propre santé mentale. Et peut-être que cela réhabilitera ce genre un peu négligé en France, la nouvelle.

Antoine Blondin 4 saisonsQuat’ Saisons est une collection de 12 nouvelles — une par mois mais l’hiver a 4 mois et le printemps n’en n’a que 2 — publiées en 1975 auxquelles ont été ajouté quelques nouvelles du début du 21ème siècle. Le volume original a valu à Antoine Blondin le prix Goncourt de la nouvelle à sa sortie.

Quelle que fut la concurrence à l’époque, la récompense est largement méritée. D’abord des phrases incroyablement ciselées, très (trop ?- écrites, au point qu’on hésite rarement à les relire plusieurs fois, voire à les vocaliser pour en profiter plus longtemps. Certaines sont de véritables aphorismes qui énoncent des vérités acides et ironiques qu’on note rapidement pour ne pas les oublier – d’ailleurs Blondin est réputé pour ça. Des mots qu’on est heureux de voir employés parce qu’on ne les a pas vus imprimés depuis longtemps. Des temps — le subjonctif! — qu’on redécouvre. Des verbes transitifs employés comme des intransitifs et réciproquement. Sans compter les personnages, rarement ménagés par l’auteur, secoués, moqués mais avec finalement une grande tendresse. Ou l’inverse peut-être: derrière la tendresse apparente, l’humour ironique qui mord, parfois très fort.

Cela donne des histoires émouvantes – Gloria, Petite musique d’une nuit – drôles et même très drôles ou les deux – La plume du paon, Midi à quatorze heures, par exemple. Une mention spéciale à Le soir du 24 décembre il faisait froid à Nazareth… l’histoire de ce charpentier, Joseph, dont la femme, Marie, va accoucher un 24 décembre à Nazareth et qui rencontre un homme roux dont le fils s’appelle Judas. C’est véritablement exaltant, euphorisant.

1975 : Les trente-six glorieuses sont terminées. Les USA ont cessé de convertir le dollar en or. Les pays producteurs et exportateurs de pétrole ont décidé de se faire payer un prix plus élevé pour une ressource qui s’extrait de leur sol. En France, on essaie d’avoir des idées pour compenser. Valéry Giscard d’Estaing a nommé Jacques Chirac au poste de premier ministre et on a créé l’Agence Nationale Pour l’Emploi pour faire gérer l’augmentation subite du nombre de chômeurs. Bref, c’est la crise. Antoine Blondin écrit quand même des nouvelles qui donnent le sourire, le frisson; qui donnent envie de profiter de la vie. Comment y résister? Et, tant qu’à se laisser aller, n’oubliez pas qu’on été publiés aussi relativement récemment Monsieur Jadis ou L’École du soir, Les Enfants du Bon Dieu, L’Humeur vagabonde ou un Un singe en hiver.

Alain Marciano

Antoine Blondin – Quat’ Saisons
Editeur : La Table Ronde (La petite vermillon)
288 pages – 8,5 €
Parution : 3 Juin 2021