5 + 5 = les disques préférés de Claptrap

Claptrap vient de sortir son premier album. Au sein du groupe, on retrouve entre autres Eric Pasquereau (Papier Tigre, La Colonie de Vacances…) et Paul Loiseau (La Terre Tremble!!!). On a demandé aux deux musiciens d’évoquer 10 albums d’hier et d’aujourd’hui.

CLAPTRAP

Claptrap c’est l’association entre Eric Pasquereau (The Patriotic Sunday, Papier Tigre, La Colonie de Vacances), Julien Chevalier et Paul Loiseau, deux membres du groupe La Terre Tremble!!!. Un trio d’amis auquel vient s’ajouter Rachel Langlais.
Armé de mandoline, guitare classique, percussions, synthés modulaires et boites à rythmes, le groupe a mis au monde l’album Adulting sorti le le 28 janvier sur le label Un Je Ne Sais Quoi. On y entendra 7 titres remplis de rythmes et de sonorités cabossés et sautillants.
On a demandé à Paul Loiseau et Eric Pasquereau de nous sortir 10 albums de leur discothèque pour en dire quelques mots.

Arto Lindsay – O Corpo Subtil (1995)

ERIC  : Découvert à la médiathèque Jacques Demy à Nantes comme tellement de disques dans ma vie, j’y allais au moins deux fois par semaine de la 4ème à la Terminale. C’est le premier album solo d’une légende No Wave membre du groupe DNA et moitié des Ambitious Lovers. Pour moi sa meilleure interprétation est celle-ci, mais j’ai découvert sa musique avec ce disque qui continue à concilier New York et le Brésil avec un casting de choix (Sakamoto, Eno, Cantuaria…), de superbes morceau minimaux, très riches et variés, j’avais retrouvé mon CD gravé, on l’écoutait dans la voiture avec Claptrap quand on écrivait les morceaux du disque. Un de mes chanteurs préférés.

Rachel Langlais – Dothe (2021)

ERIC : Premier album d’une musicienne qui a joué dans de nombreux groupes (notamment Pyjamarama). Il est magnifiquement désuet et fragile. Il se joue de petites mécaniques et constructions, principalement de pianos préparés. On a l’impression que la musique se situe partout autour de l’instrument. On entend le bruit des cordes, du bois, des gestes… Des détournements qui nous amènent à des pièces méditatives, aux mélodies tortueuses, et surtout à un disque qui est souple, instinctif et aéré. Une belle bouée de sauvetage par les temps qui courent.

Omni – Networker (2019)

ERIC : Pur. Le disque de la route des vacances, super efficace et élégant, qui donne envie, d’avancer, d’aimer… sorte de post-punk écrit avec la science de Steely Dan. J’ai écouté beaucoup d’indie rock et de power pop dans ma vie, j’ai quand même commencé à aimer la musique avec Nirvana. Je n’imaginais pas prendre autant de plaisir à découvrir Omni et écouter « Networker ». Il y sous ce côté catchy un humour grinçant, des jeux sur le monde kafkaïen des réseaux, du management et de business, absolument parfait.

Mayo Thompson –  Corky’s Dept to his Father (1970)

PAUL : Mon petit disque totem vers lequel je reviendrai toujours avec plaisir. C’est étrange car cet album a beau paraître ultra bancal, malade et au bord du gouffre, il n’en reste pas moins confortable, ensoleillé, très doux… on voudrait y vivre. La contre-culture américaine un peu freak des 60’s y rencontre une Americana plus rurale, le tout dans un climat burlesque et absurde. C’est texan et lunaire. Un beau contraste entre la générosité de la musique et cette sorte d’absence au monde qu’entretient Thompson.

Archie Shepp – Attica Blues

PAUL : Avec Julien (guitariste-mandoliniste de Claptrap) , au tout début des années 2000 on est tombé dans la marmite du Free Jazz. Donc quasiment en grillant toutes les étapes de l’histoire du jazz, sans même savoir ce qu’avaient fait Monk ou Ellington. Puis un jour, la découverte de Attica Blues. Plus vraiment free, et pourtant encore plus fou que du free. Du gospel ultra violent, de la soul légèrement dissonante et vaporeuse.

Ben LaMar Gay Open Us To Open Arms (2021)

PAUL : La première fois que j’ai écouté ce disque, j’ai su au bout de 30 secondes que j’allais l’aimer et le chérir jusqu’au bout, pour l’éternité. Coup de foudre! Tout est merveilleux dans ce joyeux bordel, une certaine approche de la Great Black Music. Une vraie « mise en scène », parfaite, ultra affirmée, pleine de sous-texte, profondeur, possibilités de lectures, mais sans aucun effet de style. Quand le rythme provoque des larmes de joie! Voilà, j’aimerais rencontrer monsieur Ben LaMar Gay, l’embrasser fort et lui dire « merci, merci, merci.

A.Kostis – The Jail’s A Fine School (1930-31)

ERIC : Rebetika ! Magnifiques enregistrements de Constantinos Bezos enregistrés au début des années 30. Pleines de mystères, de haschich, d’alcool, de femmes, de crime…Ces dernières années, ces chansons ont été une révélation pour moi, comme si je découvrais mon Robert Johnson à la croisée des chemins sur le port du Pirée.

Walter Gieseking – Claude Debussy – The Complete Piano Works (1953-54)

PAUL : On l’avoue un peu depuis quelque temps: les musiciens français ne sont pas forcément les plus aptes à jouer le répertoire français. L’exemple le plus fameux, ce sont les enregistrements de Gieseking (à vrai dire un franco-germanique) dans les années 50. Une exécution pas vraiment spectaculaire, à la fois ultra fine et brute, indémodable, et qui donc magnifie l’étrangeté purement « fantastique » de Debussy. Désolé, je ne sais même pas quoi dire d’intelligent sur la musique de Debussy tellement je l’admire. Je pourrais n’écouter que ça en ce moment.

Egberto Gismonti – Agua & Vinho (1972)

PAUL : On en est peut-être encore loin, mais avec Claptrap on avait probablement l’envie de se nourrir de ce disque incroyable. Pour le dire vite, une sorte de « Rock Bottom » brésilien enregistré en 1972. Cet art (proprement brésilien) d’être hyper mélodieux, mais avec toujours LA petite note qui vient perturber l’harmonie. La chanson éponyme de ce disque, c’est définitivement la chanson que j’aurais aimé écrire! On y arrivera quand on sera grand.

Van Dyke Parks – Discover America (1972)

ERIC : Monument de la musique populaire américaine, dont il a redéfini les codes avec Song Cycle, dont Jim O’Rourke ou Stufjan Stevens ont essayé en vain de se rapprocher. De l’écriture à l’enregistrement, Song Cycle (1968) est plus moderne que beaucoup de disques qui sortent aujourd’hui. Là, Van Dyke après avoir dépensé tout l’argent et tout le crédit de Warner Bros fait un « petit » disque vite fait, avec une poignée de reprises sous influence caribéenne. C’est un disque que j’adore, je le mets quand j’ai envie de me mettre bien.

Claptrap – Adulting – 28 janvier 2022