[Live Report] The Lemonheads + Basement Revolver au Grillen de Colmar  

Les américains The Lemonheads célébraient sur scène le trentième anniversaire de leur album le plus vendu It ’s a Shame About Ray, sorti en 1992. Avec une interrogation sur la capacité de son fragile leader Evan Dando a en restituer la grâce.

Basement revolver

 On pouvait légitimement se questionner sur l’intérêt de (re)voir le groupe américain. Depuis   plusieurs décennies, Evan Dando, le chanteur et compositeur des Lemonheads, ne fait aucun mystère sur ses addictions qui l’ont conduit à la marge. Car ça n’a pas été une mince affaire que de faire face au succès inespéré de l’album It’s a Shame About Ray et de la reprise réussite de Mrs Robinson de Simon & Garfunkel. Les disques suivant, Come On Feel The Lemonheads (1993) et Car Button Cloth (1996) ne connaissent pas le même succès. Dando devient le cliché de la pop star Indie, plus épinglé par la presse people et musicale anglo-saxonne pour ses excès et fréquentations que pour sa musique. Ses prestations sont de plus en plus aléatoires et sa voix pouvait laisser craindre le pire.

lemonheadsMais avant de pouvoir juger The Lemonheads, ce sont les canadiens de Basement Revolver, dont c’est la première date en France, qui vont créer la surprise. Non seulement les titres joués sont impressionnants, mais la voix angélique et éthérée de Chrisy Hurn-Morrison navigue sans effort au-dessus du déluge sonique.  Venu défendre son second album Embody, Basement Revolver partage avec Always et Allo Darlin’ cette faculté à balancer des mélodies tout en corsant le propos à coup de guitares shoegaze. Les quatre musiciens partagent une sérénité jubilatoire et une conviction qui fait plaisir à entendre et voir.

Lorsque Evan Dando s’empare de sa guitare acoustique, une légère fébrilité semble s’en dégager. L’ancien beau gosse de l’indie-music est toujours charismatique, et débute le concert par une série de titres folk – reprises comprises- tirée de son répertoire. Bien en verve, il conserve ce détachement typiquement américain qui transforme les hésitations en brelan d’as. A fleur de peaux, irrité par les conversations de fond de salle, Dando se reprend vite et appelle ses deux musiciens. L’album It’s a Shame About Ray est restitué dans l’ordre et en mode « urgence ». Le son de la guitare de Dando s’est musclé, n’hésitant pas à faire rugir les larsens. Dans ce magma sonore, on retrouve du Neil Young  ou du Dinosaur Jr avec chemises de bucherons. La voix, plus en retrait, fait le job. Les tubes – Confetti, It’s a Shame About Ray, Rudderless ou My Drug boddy- n’ont rien perdu de leur acuité même si la voix de Juliana Hatfield peut manquer, remplacée par celles du bassiste et batteur. Trente-cinq minutes plus tard, Dando revient sur scène en acoustique avec plus d’assurance pour quelques compos et reprises issues de ses albums de reprises (Varshons 2). Puis le groupe revient au complet pour des titres de Car Button Cloth (1996), Come On Feel The Lemonheads (1993) et même un Stove datant de 1990. Au fur et à mesure, Evan Dando gagne en justesse et prend plaisir à être sur scène, peut être le seul lieu où il est heureux.

Texte et photos : Mathieu Marmillot