5+5 = les disques préférés de Rubin Steiner & The Dictaphone

Fred Landier (Rubin Steiner, Drame) et Jérémie Morin (The Dictaphone, Drame) associés pour un album en hommage à la musique Lounge / Exotica. L’occasion rêvée de demander aux deux compères nous ont concocté un 5+5 avec uniquement des albums du genre… et on est très gâtés !

rubin steiner the dictaphone

Fred Landier (Rubin Steiner, Drame) et Jérémie Morin (The Dictaphone, Drame) associés pour un album en hommage à la musique Lounge / Exotica intitulé Banananas, et dans lequel on pourra entendre des rythmes tribaux, des mélodies soyeuses, des sonorités électroniques vintage… c’est paru sur Platinum Records le 31 mars 2023.

Les 5 disques de Jérémie Morin :

EDEN ABHEZ « Eden’s Island » (Del-Fi Records 1960)

Unique album (dans tous les sens du terme) d’Eden Abhez, une « légende » du Hollywood des années 50 (auteur du hit « Nature Boy » de Nat King Cole) qui par son style de vie influença le mouvement hippie des années 60. Un sublime mélange d’Exotica et de poésie Beat.

JOE MEEK & THE BLUE MEN « I Hear A New World » (RPM Records 1991)

Producteur anglais des années 60, Joe Meek enregistre en 1959 ce qu’il considère être la musique qui décrirait ce qu’il pourrait y avoir dans l’espace. Le résultat ressemble à d’étranges vignettes pop baignées d’échos dub et de manipulations magnétiques.

TAK SHINDO « Mganga ! » (Edison International 1958)

Rythmes primitifs + afro cuban jazz + cris d’animaux = GRAND disque d’Exotica !

MARTIN DENNY « Primitiva » (Liberty 1958)

Le papa de l’Exotica ! J’aurais pu choisir Exotica I et II, Quiet Village, Afro Desia ou Forbidden Island, mais c’est celui-là que j’avais en tête, et plus particulièrement le morceau « M’Bira ».

DICK HYMAN & MARY MAYO « Moon Gas » (MGM Records 1963)

Pur bijou de Space-Age Pop !!!

Les 5 disques de Fred Landier :

Bronislau Kaper « Follow Me (Love Song) »

Voici une magnifique chanson qui résume assez bien la musique que j’aime par dessus tout – du moins du côté de l’easy listening et de l’exotica. Ce qui est dingue, pour moi, c’est que j’ai découvert cette version « originale » de Bronislau Kaper seulement le mois dernier, lors d’une résidence avec le chorégraphe Daniel Larrieu qui l’utilisait comme « ambiance de travail ». Je connaissais depuis toujours la version d’Henri Mancini (sortie l’année suivante, en 1963), que j’adorais, et j’ai été complètement bluffé d’entendre, au milieu de la pompeuse bande originale du film les Révoltés du Bounty, cette douce mélodie imparable et bouleversante de beauté. Je la préfère maintenant à la version de Mancini qui fait pourtant partie, avec Martin Denny, Esquivel, Cal Tjader, Les Baxter, Baden Powell ou Eden Ahbez, des musiciens dont les disques sont rangés juste à côté de la platine.

Sun Ra – The Order of the Pharaonic Jesters

J’ai mis ce morceau de Sun Ra parce que c’est mon morceau préféré de ses envolées easy-listening. Mais j’aurais pu mettre aussi Love in outer Space, parce qu’il est super aussi et que j’ai une petite anecdote personnelle avec ce morceau – vu que je suis obligé de raconter quelque chose pour chaque chanson choisie. Il y a une quinzaine d’années, j’ai trouvé sur internet, de façon complètement illégale, un dossier de plusieurs dizaines de Gigas octets qui contenait l’intégralité des enregistrements de Sun Ra. Je vous laisse imaginer le nombre de morceaux. Je ne me souviens plus très bien, mais il y en avait au moins 500. J’ai mis des années à tout écouter, jusqu’à devenir assez fan du monsieur et un peu spécialiste de sa discographie, ainsi que de son histoire – même si j’ai tout oublié aujourd’hui. Un jour, je tombe sur ce morceau et j’ai l’impression de le connaître par coeur. Instantanément, je l’entends joué par Stereolab dans ma tête. J’en suis sûr. Il fallait que je vérifie. Ainsi, pendant une journée entière, j’ai réécouté méticuleusement tous les albums de Stereolab. Mais je n’ai pas retrouvé le morceau qui continuait à me trotter dans la tête. J’étais assez agacé. J’ai réalisé que j’avais pas mal de 45 tours aussi, alors j’ai attaqué les face B, au cas où. Toujours rien. Pourtant, je l’entendais ce morceau, et très précisément en plus. Un peu au bout du rouleau de ce marathon Stereolabien, je trouve dans mes disques ce split 45 tours qu’ils avaient faits avec Fugu et, alléluia, gagné ! (En vrai, j’avais peut-être même demandé de l’aide sur facebook tellement ça me rendait dingue). C’était donc leur morceau Cadriopo, dont le riff est pompé de façon assez maligne sur l’intro Love in outer Space de Sun Ra. Tout ça pour dire que Stereolab fait partie de ces groupes qui, en plus d’avoir fait quelques-uns des plus beaux morceaux easy-listening du monde, m’ont fait découvrir quelques belles pages de l’histoire de la musique souterraine, du krautrock évidemment, mais aussi, voire surtout, de l’exotica.

Walter Wanderley – Summer Samba (So Nice)

Je raconte souvent cette histoire, mais elle est vraiment fondatrice de quelque chose (en ce qui nous concerne dans le cadre de cet exercice). En 1997, j’ai fait jouer à Tours (avec les camarades de mon asso / fanzine) le groupe Kreidler, pour la tournée de leur premier album que je vous recommande encore aujourd’hui (le bien nommé  Weekend). Detlef, l’homme machine du groupe (aujourd’hui Tolouse Low Trax) m’avait offert deux compilations cassettes qu’il avait faites pour écouter dans le van j’imagine. Une était une copie de la compile The Fruit Of The Original Sin sortie en 1981 chez Les Disques du Crépuscule (avec du chelou comme Thick Pigeon, DNA, Arthur Russel, The Durutti Column ou WS Burroughs, mais aussi la beauté classique de Wim Mertens, Cecile Bruynoghe, Richard Jobson, The French Impressionists, Marguerite Duras…). L’autre en revanche était 100% exotica, et c’est grâce à elle que j’ai vraiment découvert cette musique. La compile commençait par ce morceau de Walter Wanderley. Je l’ai écouté chaque semaine ces 25 dernières années (ainsi que les deux albums que je possède). Peut-être mon disque préféré, s’il fallait préférer quelque chose dans la vie.

The Dead Mauriacs – Chalet polynésien à pignon pour séjour-club

Alors alors, The Dead Mauriacs, comment expliquer ça… c’est compliqué, mais il faut que je vous donne envie d’aller fouiller. Olivier Prieur fait des disques depuis des années (beaucoup de disques) dans un registre qui va du field recording à la musique concrète, du cut-up à la noise expérimentale, parfois ambiant, parfois pas, et surtout avec des gros morceaux de samples easy-listening et d’exotica dedans. Vous comprenez pourquoi c’est difficile à expliquer ? Dans la veine exotica de sa pléthorique discographie, il y a trois disques à écouter absolument : Elements d’une diplomatie fantôme (chez Sucata Tapes), La beauté des mirages (chez Discernant) et Expédition (chez Akuphone). Entre easy-listening finement déconstruite et noise expérimentale vraiment agréable. Unique en son genre. Promis juré.

Don Tiki – Exotica (Ata Tak)

J’ai choisi ce titre de Don Tiki parce qu’il me rappelle la fin des années 90, quand je faisais mon fanzine le Stéréophile et où j’ai plongé littéralement dans l’easy-listening et la musique expérimentale (car les deux sont loin d’être incompatibles). Je me souviens de ce jour où j’avais reçu quatre disques de chez Ata Tak, label que j’adorais et qui, pour la petite histoire, avait été fondé en 1980 par Kurt Dahlke de DAF et Pyrolator avec Frank Fensteracher et Moritz Reichelt de Der Plan – groupe dans lequel jouaient Robert Girl et Chrislo Haas de DAF aussi – en gros, des gens cool. Quatre disques donc, qui m’avaient énormément touchés. Il y avait ce premier album de Don Tiki, un groupe Hawaïen qui existe toujours et qui ne cachait pas sa volonté de rendre hommage à Martin Denny dans les règles de l’art (ce dernier a même joué du piano avec eux). Dans l’enveloppe, il y avait aussi le nouvel album de The Bad Examples (dont j’étais fan et, encore une petite histoire, dont la pochette du premier album singeait la pochette de l’album « Exotica » de Martin Denny). Ils faisaient une sorte d’exotica électronique assez passionnante et, j’aime cette précision, complètement différente de celle de Uwe Schmidt (et ses multiples pseudos avant le carton de Senor Coconut). Plutôt dans le genre de Tipsy, mais en version allemande – à vous d’imaginer. C’était par ailleurs le groupe dans lequel jouait Stefan Schwander, futur Harmonious Thelonious. Pour se faire une idée, on pourrait dire que, d’une certaine manière, les albums d’Harmonious Thelonious sont aujourd’hui une chouette suite de The Bad Examples, même si plus axées sur les rythmes africains (selon lui, je vous laisse vous faire votre propre opinion). Les deux autres disques étaient une vraie révélation. D’un côté, cette réédition de l’album de 1965 de Charles Wilp, musicien allemand qui avait donc fait en 1965 un magnifique album méconnu d’easy listening (de moi du moins) et, de l’autre, un album de remixes de ce disque, dans lequel on retrouvait des gens aussi étonnants que Daniel Miller, To Rococo Rot, Tipsy, Schlammpeitziger, Stereo Total, Haruomi Hosono et j’en passe, qui affirmaient donc au grand jour leur amour de l’exotica – ce dont je ne doutais alors pas, mais ça me faisait bien plaisir d’en avoir la confirmation. J’ai fait exprès de mettre plein d’infos et de noms dans ce commentaire, pour coller à l’esprit des fanzines des années 90, un esprit qui me manque un peu, j’avoue. Je vous laisse à vos google, à vos YouTube et à vos Spotify (ou à vos disquaires, sait-on jamais).