Mareux – Lovers From The Past : Cold Wave pour les nuls

L’américain Aryan Ashtiani alias Mareux n’invente rien de neuf sous les cieux un peu tourmentés d’une Dark Wave sous forte influence Clan Of Xymox sur son premier album, Lovers From The Past. Entre un cahier des charges bien rempli et une sincérité absolue que l’on ne peut nier, Mareux commet un disque prévisible mais agréable comme une sucrerie poivrée.

© Kiyana Tehrani

Il faut parfois le dire, la musique, comme tous les arts, a le droit, se doit de parfois se répéter, de plagier pour mieux définir de nouveaux sons et de nouveaux genres. Le problème, c’est que tout le monde n’est pas David Bowie qui, en allant puiser à l’avant-garde, constitue l’avenir d’un courant. On peut aller piocher dans un genre, en détournant les gimmicks et les figures obligées mais dans ce cas, il faudra à l’artiste un supplément d’identité, un petit plus qui fait sentir l’être derrière la formule éprouvée.

Dans la Dark Wave, comme dans tous les genres et pas plus que dans les autres genres, il y a des déchets. L’évocation de climats musicaux d’autres temps, la réappropriation parfois, la pure copie paresseuse en d’autres lieux. Ce qui est gênant, c’est quand on sent en germe cette idée un peu nauséabonde et réactionnaire du « C’était mieux avant« , le syndrome « on va faire un disque comme avant, à la manière de« .  Disons le tout net, ce n’est absolument pas ce que propose Aryan Ashtiani ou Mareux. Chacun des propos que je vais prêter au disque, à ce Lovers From The Past, pourrait tout aussi bien sonner comme un compliment que comme un reproche. On vient chercher dans ce premier album de l’Américain ce que l’on sait que l’on y trouvera, une suite de chansons névrotiques, tourmentées et obscures qui font paradoxalement du bien. Pour paraphraser Midge Ure et Ultravox, on « danse avec des larmes dans les yeux »  en se perdant dans ces neuf titres à la fois linéaires et cohérents. Il faut dire que quelque part, Aryan Ashtiani abat sa meilleure carte en ouverture du disque avec le sublime Night Vision, les titres qui suivront ne tiennent pas toujours la comparaison. Et puis un disque qui tente à ce point de vous piéger dans cet attrape-nigaud que peut être la mélancolie ne peut être complètement honnête ?

On a parfois l’impression d’entendre des citations, des clins d’œil plus qu’appuyés à toute une scène Cold Wave qui courrait, des Sisters Of Mercy en passant par Clan Of Xymox, les premiers New Order, la scène française de l’époque, Little Nemo et consorts. Ce disque finit par ressembler à une agréable anthologie, pour être un peu méchant, de « Cold Wave pour les nuls », pour être plus gentil de « voie d’entrée vers une scène pour les plus jeunes » et pour les plus vieux « un coup dans le rétroviseur ».

Toutefois – et le toutefois est important –, Aryan Ashtiani apporte autre chose, il teinte sa musique d’un minimalisme sans trop point d’effet sur le titre en ouverture ou sur le sublime Hurt en clôture. Il emprunte également des chemins plus électroniques, plus dance floor à la façon des Allemands de Wofsheim. C’est peut-être en ouvrant autant son esprit à pléthores d’influences qu’Aryan Ashtiani parvient à ne jamais nous ennuyer. Il fouille tout autant des matières industrielles (gentiment quand même) que des clins d’œil presque grimaçants au Lundi Bleu en entrée de Glass. Mareux n’introduit pas de folk dans sa pop, encore moins du néo-classique. On pourrait parler ici de Synth Pop, Mareux s’amuse parfois à unir des périodes différentes d’un même groupe comme sur Lovers From The Past qui réunit le Cure de Japanese Whispers (1983) à celui de Disintegration (1989). Là où l’américain d’origine iranienne s’avère le plus pertinent, c’est quand il lâche la bride de la texture électronique, de la déviance comme sur le martial Killer.

Le gros écueil de ce disque, c’est qu’il ressemble à cette musique consommable, jamais désagréable mais jamais singulière non plus, torturée mais sans aspérité, névrosée et rassurante à la fois. Un disque au plaisir immédiat, mais qui s’efface tout aussi vite. Un bel exercice de style un peu vain, une élégance certaine mais peu de fond à explorer, peu de chemins tortueux à prolonger et fouiller. Peut-être un objet emblématique de notre époque, un plaisir facile, fallacieux et triste.

Greg Bod

Mareux – Lovers From The Past
Label : Self Released
Sortie le 5 mai 2023