Bdrmm – I don’t know : nouvelles pépites anglaises du shoegaze ?

Second album pour le groupe que tout le monde attend ! Réussi, plus d’électro, plus de dreampop, moins de guitares, moins de fuzz. Le groupe n’est quand même jamais aussi bon que lorsqu’il monte un peu le volume et rebranche les guitares. Le 3ème album sera vraiment intéressant !

BDRMM
Photo : Katherine Mackenzie

Bdrmm ? Le groupe à suivre ! La sensation du moment !! Qui était déjà la sensation du moment après la sortie de leur précédent et premier album, Bedroom, un album plus que bien reçu, « modern-day shoegaze classic » pour le NME par exemple. Un de leurs titres, A Reason to Celebrate considéré comme l’un des meilleurs morceaux de shoegaze de ces 20 dernières années. Des noms prestigieux cités en référence – My Bloody Valentine, Radiohead, Slowdive ou Ride… et une signature pour leur second album sur le label de Mogwai

BDRMM I Don't Know… Et tout ça pour un groupe dont on ne sait même pas comment prononcer le nom (mais ce ne sont pas les premiers, évidemment) : on aurait pu penser au nom du premier album, mais le groupe ne donne pas trop d’indication à ce sujet (et à une lettre prêt cela aurait pu plus sonner comme « boredom » que comme « bedroom »). Pas l’ennui qu’éprouve l’auditrice et l’auditeur sous son casque pendant que défilent les morceaux, mais peut-être celui du groupe dans sa petite ville du nord de l’Angleterre et qui compose pour sortir de chez lui – à l’image de The Working Men’s Club, autre groupe du nord, autre groupe ne venant pas d’une grande métropole, comme le souligne le groupe lui-même. Non, pas d’ennui du tout à l’écoute de ce groupe (même si on peut se demander si Bdrmm sera le grand groupe de demain ou pas). On hésite ? Non, et oui ; oui et non. Au début, à la première écoute, il y aura peut-être quelque chose qui gêne. Mais ça disparaît. I don’t know est typiquement le genre d’album qui ne déçoit pas, qu’on aime écouter, qu’on se surprend à aimer encore plus à chaque écoute. En effeuillant la marguerite, on finit toujours par s’arrêter sur « j’adore ».

Le groupe explique qu’il a été confronté au « « syndrome du deuxième album »…. Ce serait idiot de dire que le premier album était un vrai succès, mais c’est vrai qu’il a été bien reçu. C’était une surprise, une sorte de gros accident. Et c’était difficile de reproduire cet accident (rires). » D’ailleurs, les paroles des morceaux semblent tourner autour de cette idée de changement, d’angoisse de la nouveauté, de la nécessité de changer, de devenir quelque chose d’autre, d’aller de l’avant (ou pas), du commencement et du recommencement : « We are forever moving backwards / It seems that there’s no hope » (Alps) ; « Be careful of yourself / Prepare for something else » (Be Careful) ; « Now that we have finally found ourselves / I hope we can become something else / Two steps forward, three years back / I hope we find a way to react » (It’s Just A Bit of Blood) ; « Why do we always start / To fall / Apart » (Fall Apart) ; « A fascination with all that’s gone wrong / an overwhelming need to start again » (Hidden Camera) ; « A third, second chance / Just doesn’t seem real » (Pulling Stiches). Tout ça n’est pas qu’une question de musique et de second album, c’est vrai. Mais il y a probablement un peu de ça.

Mais le groupe n’a pas eu peur. Il a compris qu’il fallait changer. Ils avaient fait un disque de guitare ? Il fallait passer à autre chose – « We’d made the guitar record. So we were thinking, ‘What else can we do?’ » Quoi ? I don’t know… des morceaux plutôt différents de ceux qu’on trouvait sur le précédent album, une orientation électro nette (en particulier sur le très bon Alps qui ouvre l’album), des guitares moins massivement présentes. En revanche, toujours les mêmes mélodies lentes, cette voix éthérée (un peu molle ?) qui réussit à créer une ambiance douce, atmosphérique, planante, vaporeuse. Dans le genre, A Final Movement, qui clôt comme de juste l’album, est une longue promenade dans les nuages sur fond de nappes synthétiques agrémentées d’arpèges légers. Be Careful est aussi lent, aérien, évaporé (même si bien moins que le final movement), un peu de guitare, rythmique discrète genre trip-hop, et cette voix (à la Thom Yorke) qui murmure presque, que pour un peu on entendrait à peine ; le morceau est agréable à écouter, plaisant, plein de petits arrangements qui agrémentent le tout. Cela manque un peu de force et de puissance, mais la mélodie est attachante. Comme Advertisement One, dans lequel il n’y a pas de mélodie puisque c’est un instrumental, un morceau ambient qui tient de l’invitation au voyage dans des espaces brumeux et peuplés de créatures étranges, mais bienveillantes. Pas désagréable, du tout. Une partie de l’album, un type de musique avec laquelle Bdrmm se débrouille pas mal.

Mais là où le groupe se débrouille le mieux, c’est quand même sur les morceaux qui ont du peps ! Des guitares, de l’énergie, de la puissance. On a l’impression que leur musique prend de l’ampleur, de la surface et de la profondeur. Les mélodies lentes et vaporeuses, éthérées et quasi-chuchotées ne changent pas, mais elles sont magnifiées par le rythme de la musique, par les arrangements électro qui se multiplient. Elles en deviennent encore plus attirantes. Certains morceaux restent un peu à la limite de la mièvrerie (We Fall Apart ou Hidden Camera) mais ce sont presque ceux qu’on préfère. Ils dégagent beaucoup d’émotion, procurent un vrai plaisir, une sorte d’enthousiasme, de gaîté. We Fall Apart se distingue de Hidden Camera parce que les guitares y sont plus électriques, plus acérées, plus présentes. Ça change (presque) tout. Pulling Stiches, qui suit juste Hidden Camera, a l’air d’avoir la même mélodie mais les guitares fuzzy, bien plus présentes donnent vraiment quelque chose en plus. C’est encore mieux et plus fort sur It’s Just A Bit Of Blood, un mur de guitare qui donne au morceau une vraie colonne vertébrale.

Alain Marciano

Bdrmm – I don’t know
Label : Rock Action
Date de parution : 30 juin 2023