« Western » de Maria Pourchet : l’amour après #MeToo

Après son roman dévastateur autour de l’amour et de ses contours sociétaux dans Feu, Maria Pourchet revisite les relations sociales et amoureuses, mais désormais sous le prisme de l’ère #MeToo, où drague et pouvoir ne font pas bon ménage, mais où les solitudes peuvent aussi s’unir et se compléter, malgré tout.

Maria POURCHET
© Richard Dumas

On ne s’est toujours pas remis du flamboyant roman précédent de l’écrivaine vosgienne qui manie les mots comme d’autres un fouet : ça claque, ça gifle et ça peut faire mal… comme donner du plaisir. En tout cas, sa maîtrise implacable du style frappe et désarçonne aussi. Une manière originale de parler de sexe ou de sentiments avec férocité et beaucoup d’acuité également, comme du post-Houellebecq dans le texte, mais sans le côté désabusé et dépressif.

De fait, Western reste un peu décevant, malgré une écriture toujours aussi forte, car Maria Pourchet oublie de resserrer son propos sur le discours amoureux pour partir dans des digressions qui perdent un peu le lecteur. Touffue et assez chargée, la passion contée dans Western s’avère extrêmement contemporaine : Aurore et Alexis vont se rencontrer, se raconter aussi. Elle fuit la ville et sa furie après un burn-out dans un village perdu de Causse avec son fils ; il s’échappe du monde du théâtre parisien après avoir été accusé d’abus sur une de ses élèves. Deux êtres blessés et piégés dans un monde compliqué, qui ne laisse plus de place à la domination ou à la faiblesse, et où la mise à nu des sentiments et des contradictions ne peut plus se faire qu’au moyen de confessions frontales et isolées.

Rencontre hasardeuse de deux personnes abîmées par la vie ou les autres, mais aussi gangrénées par leurs faiblesses. Aurore trop sensible et voulant ujours trop, Alexis réel prédateur sexuel ou acteur trop enflammé ?… l’auteur se garde de juger. Elle constate, par contre, l’infime frontière entre les sentiments passionnés et la folie, entre l’acceptable et l’inacceptable, entre le vouloir et le pouvoir.

Là où le bât blesse, c’est que les récits des deux protagonistes s’entremêlent trop et noient finalement le propos unique : comment aimer et vivre de nos jours une romance entre deux êtres. Maria Pourchet s’emploie à faire virevolter phrases et messages passionnés dans son roman aiguisé et sauvage, mais avouons-le, il faut parfois s’accrocher pour ne pas se perdre dans les confessions intimes de ce couple éphémère qui se livre sans atours ni faux-semblants. Et, en fin de compte, la construction fragmentaire de Western atténue la force des propos et lasse le lecteur parfois perdu.

Ultime excellente idée, et qui donne son titre au roman, la métaphore du western, ce genre qui fait se combattre des cow-boys solitaires dans des espaces immenses, sauvages ou hostiles, héros virils avec des pseudo-pouvoirs qui font régner l’ordre par la violence ou subissent le désir des autres : tout dans ces codes cinématographiques fait écho aux relations actuelles, basées sur les rapports hommes-femmes au travail, dans le foyer, dans des tiers-lieux où la domination et la soumission servent encore de terreau aux interactions sociales, amoureuses…

Amer mais lucide, le regard de Maria Pourchet ne se détourne pas des difficultés contemporaines, elle les observe, s’en moque élégamment parfois, mais le résultat s’avère ferme et impitoyable : soit tu tires avec un flingue, soit tu creuses.

Jean-François Lahorgue

Western
Roman français de Maria Pourchet
Editions Stock
304 pages – 20,90 €
Date de parution : août 2023