Pour son quatrième album, le trio venu tout droit de Houston, Khruangbin, n’a pas fait dans le coup de théâtre et offre à ses fans, de plus en plus nombreux, un A La Sala pile là où ils étaient attendus. Peut-être un poil trop.
Outre le succès, chaque artiste/groupe rêve d’un objectif à atteindre : que les premières notes d’un morceau lui soient immédiatement reconnaissables, directement attribuables. Une signature propre comme on dit dans le jargon. C’est peu dire que Khruangbin a d’ores et déjà coché cette case de la to do list, le trio texan étant passé maître du genre en l’espace de trois albums – surtout les deux derniers – avec ce blues psyché instrumental infusé à la soul et à la world music, devenu marque de fabrique.
Ce quatrième opus, A la Sala, est peut-être le plus attendu du groupe jusqu’ici, le succès «commercial» de son prédécesseur, Mordechai, ayant fini d’installer les trois musiciens comme l’une des entités les plus réjouissantes actuellement.
Il faut dire que cette musique empreinte de légère guitare électrique, de basse ultra groovy et de susurrements vocaux est une ode à l’easy listening et aux envies de soleil. C’est accessible pour tous, écoutable et agréable en toutes circonstances.
Les esprits les plus chagrins diront «musique lounge d’ascenseur» et il est vrai que la frontière est mince. Surtout avec ce nouveau disque où la prise de risque tend vers le niveau zéro. On est sur du fan service pur et dur, dans la zone de confort du début à la fin. Il est évident que Khruangbin a voulu surfer sur sa vague et continuer de naviguer et de grimper vers les cimes de la reconnaissance sans brusquer personne. Dans cette optique là, difficile d’être déçu en effet. On retrouve absolument tous les ingrédients habituels, funky (Pon Pon), soulful (May Ninth), rock-blues (Ada Jean, Juegos y Nubes) pour une nouvelle fournée de morceaux efficaces dont l’exploitation en bande-son de pubs, films, séries ne fait aucun doute.
La formule est sans doute ici à sa vitesse de croisière, le trio n’a jamais autant donné l’impression d’être aussi sûr de son fait et de ses capacités. On peut évidemment regretter qu’il n’y ait pas eu plus d’explorations, plus de défrichements pour un groupe aussi attaché au melting-pot des cultures musicales de par le monde. Ceci étant, si on se fixe sur le prisme de la qualité intrinsèque, difficile de bouder son plaisir face à des compositions plus délicieuses les unes que les autres.
Il faudra très certainement faire attention à ne pas les voir s’enfermer dans une recette trop facile et stéréotypée à l’avenir mais gageons que Laura Lee, Speer et DJ Johnson sauront reprendre le cours de leurs aventures autour du globe pour épaissir leur son et lui permettre de s’enrichir encore plus. A La Sala garde le bénéfice du doute car il retombe toujours du bon côté et possède trop de belles choses encore pour se dire qu’on a fait le tour du sujet mais attention à ne pas devenir une caricature. Le piège les guette, à eux de l’éviter.
Alexandre de Freitas