Quand deux des responsables du Label 619 – Mathieu Bablet (Shangri-La, Carbone & Silicium) au scénario et Guillaume Singelin (PTSD, Frontier) au dessin – s’associent pour signer le premier tome d’une série, la curiosité est forte.

Présenté comme un hommage aux séries enfantines de Super Sentai des années 1980, Shin Zéro modernise, rationalise et européanise leur univers. Rappelons le concept, le pays a été attaqué par des Kaiju, des montres titanesques, proches cousins de Godzilla, de provenances inconnues. Un corps de jeunes volontaires a été formé, entrainé et équipé pour les combattre. Les Sentai s’appuyaient sur des armes biologiques ou robotiques. Or, depuis une trentaine d’années, les Kaiju ont disparu. Les Sentai ont été désarmés, mais maintenus et repris par des sociétés privées. Ils sont désormais considérés comme des boulots d’étudiant à qui sont confiés des missions de sécurité, de gardiennage ou d’auxiliaire de police. Mieux, ils sont notés et évalués en direct par leurs clients. L’ubérisation de l’héroïsme a triomphé.
Guillaume Singelin a conservé son trait fin, ses décors travaillés et ses perspectives audacieuses, mais il a abandonné les chibis (petits personnages à grosse tête) de ses derniers albums, pour adopter un style plus réaliste. Fidèle au projet, il a particulièrement travaillé ses scènes d’action, qui reprennent les codes des meilleurs mangas. Plus original, si ses planches sont en noir et blanc, les tenues de ses Super Sentai sont colorisées dans leurs cinq couleurs traditionnelles, apportant un décalage visuel qui accentue la dérision de leurs premières missions.
Nous suivons cinq Sentai partageant la même collocation. Mathieu Bablet prend son temps pour imposer ses personnages. Rappelant les séries de type Friends, les appréhensions, les émois et les interactions entre ces grands adolescents prisonniers d’un monde précarisé sont très bien écrits et apportent une profondeur inattendue à l’ensemble. Leurs motivations diffèrent. Héloïse et Sofia sont là pour payer leurs études, voire pour élever un enfant. Warren a suivi son amie et Nikki cache des secrets. Seul Satoshi croit à leur mission, qu’il pressent héroïque. Satoshi attend les prochains Kaifu et veut croire à un vaste complot, on leur cache la vérité !
Ces super-héros, sans pouvoirs ni armes, paraissent puérils, quand un premier « monstre », pour le moins surprenant, se présente. L’univers est bien planté, nous attendrons la suite avec impatience.
Stéphane de Bosson
Shin Zéro, tome 1
Scénario : Matthieu Bablet
Dessin : Guillaume Singelin
Éditeur : Rue de Sèvres, Label 619
216 pages – 13,90 €
Parution : 22 janvier 2025
Shin Zéro, tome 1 — Extrait :
