« Sebastian » de Mikko Mäkelä : escort à corps…

Malgré l’interprétation tout en nuances de Ruaridh Mollica et une deuxième partie de film plus convaincante, Sebastian rate en partie son exploration de la création littéraire passant par le moi (et, accessoirement, de l’univers des escort boys) et la perturbation de celui-ci jusqu’à son acceptation…

Sebastian
Copyright Kino Lorber

Max a 25 ans, écrivain en devenir travaillant au sein d’un magazine tendance, Wall, et sur son premier roman qui explore le milieu des « escort boys » en ligne. Sous le pseudonyme de Sebastian, Max s’inscrit sur des sites spécialisés afin de rencontrer des hommes, généralement âgés, pour se nourrir de ces expériences et écrire, pense-t-il, son roman de façon plus authentique. Mais cette sorte de double vie va, peu à peu, s’avérer difficile à gérer au quotidien, et Max de ne plus réellement savoir si Sebastian est davantage qu’un alter ego, et ne reflèterait-il pas finalement, ne révèlerait-il pas, sans le dire, ses vrais désirs ? Ses plus intimes sentiments ?

Sebastian afficheCe sont ces basculements, ces instants où l’art s’entrelace soudain à la réalité et s’y confond jusqu’à ne plus savoir comment séparer les deux, que Mikko Mäkelä dépeint avec, à la fois, délicatesse et rudesse. Que Max se voit confié, par sa responsable, la préparation d’une interview de Bret Easton Ellis n’est pas un hasard. L’écrivain américain a souvent, et ce dès son premier roman (Moins que zéro), suscité de nombreux commentaires quant à l’apport autobiographique utilisé dans ses ouvrages (en particulier dans Lunar Park et Les éclats), jusqu’à le confondre avec ses personnages. Ce fut le cas par exemple lors de la publication d’American psycho en 1991, et beaucoup avaient associé Ellis à Patrick Bateman, Ellis admettant, des années plus tard, que le roman dépeignait en vérité « une version cauchemardesque de moi-même ». Une référence aux Nuits fauves de Cyril Collard (et une autre à À nos amours de Maurice Pialat) viendra également témoigner de cette part de réel qui sert à la fiction, et cet espace flou situé entre les deux.

Et quelle part de Sebastian coexiste donc chez Max ? Quels fragments de lui ? Un tel sujet aurait pu s’ouvrir à quelque chose d’assez vertigineux, à quelque chose de trouble. Mais Mäkelä ne parvient pas à le transcender complètement, se limitant à un récit sans réelles aspérités, sans singularité, et ses questionnements existentiels (qui deviens-je en vendant mon corps ? Quelle est la vraie finalité de cette démarche ? Puis-je tout dire et tout révéler de moi à travers la fiction, mon imaginaire ?…) se délitent dans un enchaînement convenu de scènes répétitives, entre clients qui se succèdent, livre à écrire (montrant, platement, Max tapant sur son ordinateur) et vie sociale routinière perdue dans une sorte de solitude contemporaine. Dommage.

Entre l’interprétation tout en nuances de Ruaridh Mollica et une deuxième partie de film se concentrant sur la rencontre, touchante, de Max avec Nicholas, sexagénaire encore meurtri par la perte de son compagnon, Sebastian rate en partie son exploration de la création littéraire par le « moi » et, de fait, la perturbation de celui-ci, jusqu’à son acceptation.

Michael Pigé

Sebastian
Film britannique (coproduction belge et finlandaise) de Mikko Mäkelä
Avec : Ruaridh Mollica, Hiftu Quasem, Jonathan Hyde…
Genre : drame
Durée : 1h50
Date de sortie en salles : 9 avril 2025

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