[Live Report] Death Valley Girls et Bella and The Bizarre au Point Ephémère (Paris) : explosion de soul et de joie !

Loin de leur image originelle de « dark gothic punk », nos très chères Death Valley Girls, dans une nouvelle « formule » autour de la radieuse Bonnie Bloomgarden, nous ont offert pour le 1er mai un concert quasiment parfait, plein d’émotion, d’âme et de joie…

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Death Valley Girls au Point Ephémère – Photo : Cédric Rizzo

Le 1er mai n’est pas une date idéale pour un concert, on le sait bien, entre ceux, nombreux, qui ont fui Paris pour profiter de la mini-canicule inattendue qui est tombée sur la Capitale, et ceux qui sont fatigués d’avoir guerroyer contre les Black Blocks au cours des défilés de la journée. Nous le savons, et ne sommes pas trop déçus – un peu, quand même – de voir un Point Ephémère peu rempli pour accueillir l’un de nos groupes favoris, les Américaines de Death Valley Girls. Ou plus exactement, la merveilleuse (et radieuse, et chaleureuse) Bonnie Bloomgarden entourée d’une toute nouvelle équipe de musiciennes, pour nous présenter les dernières nouvelles de son évolution musicale – engagée, rappelons-le avec son dernier album, Islands In The Sky

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Mais d’abord, place aux Berlinoises de Bella and The Bizarre, en première partie. Leur set démarre avec presqu’une dizaine de minutes de retard sur le programme, alors que la chanteuse débarque en courant, essoufflée et transpirante, mais un grand sourire sur le visage (était-elle au défilé, ou bien faisait-elle du tourisme ? nous n’avons pas pu lui demander…). Avec leur nom et leur look, on attend de la part des Berlinoises un bon garage rock punky et psyché, et on est surpris quand on entend des chansons plutôt traditionnelles, plutôt bien écrites, mais… manquant d’énergie ! Et à peu près tout le set, de près de trois quart d’heure, restera dans la même ligne, avec des morceaux bien troussés, une interprétation enthousiaste, et une belle joie d’être là (la chanteuse, Bella, explose littéralement de bonne humeur à tout instant), mais sans cette étincelle qui impliquerait le spectateur, lui donnerait envie de bouger, de danser. Il y a finalement quelque chose d’un peu amateur dans tout ça (on fait applaudir à plusieurs reprises un copain dans le public, on fait monter une autre copine pour jouer de la guitare…) qui est très sympathique, mais pointe les limites de l’exercice. On notera une chanson vraiment réussie (Bumpy Road, nous semble-t-il…) et une seule accélération, sur la fin, No More, plus en ligne avec ce qu’on aurait attendu d’elles. On remarquera aussi que, une fois débarrassée de sa guitare, la chanteuse entame de voluptueuses virevoltes orientalisantes, y compris à la fin avec un masque facial porté pour les rituelles « danses du ventre », ce qui ajoute une « bizarrerie » (justement…) bien venue à un set jusque-là bien trop sage… et nous remémore in extremis que Bella est bien la fille du démentiel King Khan ! Allez, les filles, lâchez un peu les rênes, et ça n’en sera que mieux !

Death Valley Girls, Version 2025, c’est tout autre chose, et quand Bonnie Bloomgarden et son nouveau gang, entièrement féminin, se lancent dans l’ouverture quasi rituelle d’Abre Camino, on est littéralement soufflés par la puissance : porté par un drumming titanesque de la nouvelle – et extraordinaire – batteuse, le titre transcende sa noirceur originelle pour devenir une tuerie totale. Des frissons dans le corps, les cheveux qui se dressent sur la tête, l’hystérie qui monte avec les cris de Bonnie : on jurerait que c’est le plus beau démarrage de concert qu’on ait vu et entendu cette année !

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Mais les Death Valley Girls ne sont plus aujourd’hui les prêtresses de l’obscurité de leurs débuts, et dès Watch The Sky (extrait de cet Islands In The Sky qui marqua une première rupture de style dans la musique du groupe, plus vaporeux, plus évanescent), on entre dans une atmosphère franchement pop sixties, presque joyeuse : un ami mentionnera ensuite un côté The B-52’s, nous n’irons pas jusque-là, mais on comprend la comparaison. L’un des composants essentiels de la nouvelle formule est le saxophone, qui prend complètement son envol sur The Universe, dans une version qui transcende l’original – qui en comportait déjà des traces, si notre mémoire est bonne : ce saxophone, désormais omniprésent, parfois « free », ajoute et de la chair et de l’âme à la musique du groupe, la transforme largement, et la fait accéder à un niveau de puissance et d’émotion nouveau. « It’s a Man’s World / That’s What You Think / It’s a Man’s World / That’s Not To Me! » : la fière revendication de Bonnie sur I’m a Man Too sort du garage pour devenir un hymne universel, et c’est BEAU !

Même si on a envie de détailler chaque chanson de ce concert pas loin de la perfection dans son genre, contentons-nous de dire que, ainsi retravaillés, les vieilles tueries comme Death Valley Boogie deviennent quasi méconnaissables, ce qui pourrait frustrer les fidèles au vieil esprit punk du groupe, mais elles gagnent une telle évidence qu’on ne peut qu’être ravis de l’envol de Death Valley Girls. Et puis les accents soul qui ont toujours été là dans la voix de Bonnie sont désormais magnifiés au sein d’une musique plus ample… Une Bonnie qui a abandonné la guitare et se consacre à son clavier, mais surtout, justement, au chant… Et à l’expression, toujours aussi touchante, de ses sentiments, qui continuent à déborder sur nous : bien entendu, la fosse est remplie de nombreux fidèles auxquels Bonnie descend manifester toute son affection par des étreintes qui sont tout sauf « de politesse ».

 

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Photo : Gilles Barbeaux

Death Valley Girls, c’est finalement un beau « happening d’amour ». La jolie Magic Powers, qui donne envie de chanter à tue-tête, rappelle que le pouvoir magique, c’est avant tout l’empathie que l’on ressent pour les autres, pour nos frères humains. « Est-ce que vous connaissez Link Wray ? » nous demande Bonnie. C’est Fire and Brimstone, immense moment soul, presque gospel, l’un des deux nouveaux titres sortis en avril, qui synthétise parfaitement l’esprit de ce que veut atteindre Bonnie : sans renoncer à l’esprit punk (Wray est certainement parmi les « grands anciens » l’une des grandes inspirations du proto-punk US), il s’agit de trouver une sorte de manière de communier ensemble dans une célébration de ce qu’il y a de meilleur en nous (loin de la « shit » qui prévaut aux USA en ce moment, comme le jette Bonnie en affirmant qu’elle se sent bien en Europe…).

Bon, pour les plus punks, pas d’inquiétude, le stoogien Disaster (Is What We’re After) reste un must, et le rôle du saxo façon Fun House (qui est en train de devenir l’album de référence ultime en ce moment, repensez aux Viagra Boys !) le muscle encore plus. Et puis, dans l’esprit punk un jour, punk toujours, pas question pour Bonnie de jouer au jeu artificiel du rappel, nous sommes prévenus : le groupe donne tout ce qu’il peut dans son set, pas besoin de simuler un retour faussement impromptu ! Le concert se clôt sur le récent et presque planant single I Am a Wave, puis le lyrique et bienveillant Sunday, au final intense.

Evidemment, on se retrouve au merch pour échanger avec Bonnie, mais il faut, pour compléter la chronique de cette très belle soirée, s’arrêter aussi sur les cinq minutes de gloire « warholienne » accordées par Bonnie à un ami spectateur qui faisait retentir, comme très souvent, son cri de célébration très « reconnaissable ». C’est comme ça, avec Bonnie, tout le monde compte dans la salle, tout le monde fait partie du spectacle.

Texte : Eric Debarnot
Photos : Cédric Rizzo / Gilles Barbeaux / Eric Debarnot

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