Le Carcoma est le plus sombre des vaisseaux pirates. Les membres de son équipage ont juré fidélité à leur capitaine, un alcoolique brutal. Ils errent, fantômes des mers, prisonniers d’un serment plus fort que la mort.

Pour son premier album en tant qu’auteur complet, Andrés Garrigó nous gatte. L’idée du scénario lui est venu lors de la crise du Covid. Peut-on tout quitter ? Tout oublier et vivre loin des siens ?
L’équipage du Carcoma a fait le serment de plus jamais retourner à terre et de mourir en mer. Ils ont tout quitté à jamais. Manifestement, tous cachent de lourds secrets. On devine qu’ils portent lourd sur leurs consciences et que, alors qu’ils étaient au comble du désespoir, le capitaine a su, jadis, leur proposer leur unique chance de survie, le Carcoma !
Or, Sépia recueille un bébé sirène. Elle le cache et le nourrit. La sirène grandit, imperceptiblement l‘ambiance change à bord. Doucement, les langues se délient. La capitaine ne tolère pas ce subtil relâchement de discipline, qui, pour lui, annonce une remise en cause du serment. Il tue le premier rebelle et nourrit de son corps un très noir Kraken. L’équipage trouve alors la force de se mutiner, le combat a tôt fait de s’engager. Chacun des personnages prend alors de l’épaisseur, dévoilant une part de son âme qu’il croyait perdue.
Si l’histoire n’est pas d’une originalité folle, la lutte de la lumière contre les ténèbres, d’un nihilisme suicidaire contre la possibilité d’un retour à la vie, le dessin aux couleurs très froides de Andrés Garrigó est magnifique. Associant caricature et tragédie, poésie et amertume, son trait précis rappelle celui du meilleur Joann Sfar.
Ses marins parlent peu, le marin est pudique, mais leurs visages et leurs corps parlent pour eux. La tension monte et lutte s’engage. Quand la mer est froide, putride et presque morte, le salut peut-il venir de la terre et des hommes ?
Stéphane de Boysson
Carcoma
Scénario et dessin : Andrés Garrigó
Éditeur : Dupuis
176 pages – 27,95 €
Parution : 7 février 2025
Carcoma — bande annonce :