Pas forcément excitant au départ, le nouveau film de Grégory Magne, les musiciens, s’avère une véritable perle, maintenant un juste équilibre entre humour et émotion, et ravira tous ceux que le sujet de la Musique – quelle qu’elle soit – passionne…

A sa mort, un père, richissime chef d’entreprise, lègue celle-ci à son fils, mais demande à sa fille Astrid (la préférée) qu’elle prenne en charge et fasse se réaliser le rêve de sa vie : l’exécution, une seule fois, d’une œuvre jamais jouée d’un compositeur contemporain exigeant, par un quatuor de cordes composé des meilleurs musiciens du moment. Mais le tout doit être joué sur des… Stradivarius ! Une fois le dernier Stradivarius acheté aux enchères, pour la bagatelle de 10 millions de livres sterling, la constitution du quatuor – fait de quatre personnalités fortes plutôt incompatibles – et surtout les répétitions avant la date fatidique du concert vont s’avérer une véritable épreuve…
… car il s’agit de faire s’accorder des individualités pour que, comme un vol d’étourneaux, ils sachent à tout instant, et sans communiquer entre eux, quelle direction prendre. Devant cette tâche qui paraît impossible, Astrid (Valérie Donzelli, qui porte une grande partie de la charge comique du film sur ses épaules, ce dont elle s’acquitte impeccablement…) a la brillante idée (mais est-elle aussi bonne que ça ?) d’embaucher Charlie Beaumont, le compositeur, un original plutôt confus dans sa vision de ce à quoi sa propre œuvre devrait ressembler : c’est l’excellent Frédéric Pierrot qui tient ce beau rôle, celui par qui l’émotion survient…
On voit très bien a priori le programme de ce genre de film, forcément feelgood et débouchant tout aussi forcément sur un triomphe improbable. Mais Grégory Magne est bien plus malin que ça, et le film ne cesse de tromper nos attentes, pour flotter en permanence dans un « entre deux » qui ne manque ni de douceur ni de magie. Soit une atmosphère douce-amère que la bande annonce – plutôt ratée – des Musiciens échoue d’ailleurs à traduire, au risque de décourager des spectateurs qui auraient pu prendre un grand plaisir – comme nous – devant le film.
Ce qui caractérise donc ces Musiciens, c’est avant tout une belle élégance et du scénario et de la mise en scène, discrète mais toujours juste. Mais c’est aussi la « partition » impeccable que joue chacun des quatre acteurs constituant le fameux quatuor, et dont les égos « enflés » doivent s’effacer pour que le projet puisse réussir : il faut dire que tous les quatre sont de véritables musiciens, ce qui évite au réalisateur d’avoir à cadrer leurs mains dans des plans séparés, et confère inévitablement une crédibilité totale aux nombreuses et belles scènes de répétition.
Il faut souligner que, pour ceux qui aiment la musique, Les musiciens s’avère particulièrement passionnant. Un peu de la même manière qu’il n’était nul besoin d’apprécier ou même de comprendre le jazz devant Whiplash, une passion pour la musique de chambre – un genre quand même pointu – n’est pas requise pour adhérer à cette belle réflexion sur le travail des musiciens. Et puis, petit spoiler, le rocker, éventuellement frustré, pourra jouir d’une jolie version du Where Did You Sleep Last Night? de Leadbelly, immortalisé par Nirvana : une délicieuse cerise sur un gâteau ma foi bien réussi.
Eric Debarnot