Amber Asylum – Ruby Red : un pierre précieuse inestimable

Amber Asylum, le quatuor féminin tout droit venu de San Francisco, signe Ruby Red, un disque envoûtant, qui n’a pas d’égal à ce jour.

Amber asylum
© Judd Hawk

Les mots me manquent et ce n’est pas mon état habituel, mais voilà plusieurs mois que je vis et respire cette musique, en essayant d’assembler la combinaison de mots qui me permettra de vous parler de ce disque si inhabituel. Amber Asylum, formé en 1990 par Kris Force, se démarque par une flopée d’albums mais aussi par l’incarnation même du groupe, quatre musiciennes qui ont intégré tout un pan de la musique classique associée au Slowcore. Avec Ruby Red, la musique submerge notre enveloppe corporelle, à grands renforts de cordes, tout en embrasant la surface de l’âme, une trame évolutive proche de la musique de chambre, mais Amber Asylum abat toutes les cloisons pour faire basculer les cadres, une faille spatio-temporelle vouée à la quête d’une beauté mélancolique.

amber-asylumMars 2025, on appuie sur la touche rewind : ce n’est pas si loin et cependant Ruby Red continue d’émettre ses signaux, comme des balises disséminées pour nous orienter, dans notre propre exil. Je ne trouve aucune paix dans la civilisation de mes semblables, aucun repos, aucune réponse à la seule question qui se pose. Doit-on laisser la musique parler pour nous-même ?

Il est rare de trouver des musiciennes déconnectées d’elles-mêmes, uniquement vouées à porter un message, mais aussi à transporter l’âme pour l’apaiser et délivrer ses Secrets, titre où se croisent des cordes magnifiées jusqu’à provoquer l’enivrement. Et puis vient la voix sur Ruby Red, et voici que le quatuor déverse ses rebonds percussifs. Le rubis rouge déploie une cohorte de couleurs, du noir charbonneux au vif pourpre.

Pourquoi revenir sur un album déjà réalisé voici presque deux mois ? Parce que certains disques se perpétuent au delà de leur période promotionnelle et nous poursuivent pour ne pas nous lâcher. Il se passe quelque chose dans ce disque étrange et magnifique.

Si l’âme est l’ombre du corps, celle-ci est projetée à l’extérieur, enveloppée dans un manteau de nuit et d’encre, et le rythme se décante avec Demagogue : nous ne sommes plus en présence d’un « rock » ou d’une autre étiquette, sujet qui ne reflète que notre propre vanité. Si Amber Asylum se rapprochait d’un « post-rock doomesque » dans son album Sin eater, sorti en 2015, cette fois Kris, Jackie, Becky et Fern s’en éloignent pour nous consoler, avec cette touche gracieuse d’obscurité dans un écrin de velours. La voix soupire, reprend son souffle et devient prolongement des violoncelles, on entend cette respiration dans Azure, où crissent les violons, comme la continuité du corps. Et puis déboule Weaver, sans grand chambardement, mais avec un côté solennel : le message et l’intention du quartet est de nous rappeler combien la place de la femme dans notre monde relève de l’exploit, mais aussi d’un combat qui ne dit pas son nom, sinon d’être universel.

Prophecy Productions nous offrent un disque impérissable, déraciné de sa temporalité : Amber Asylum mérite d’être évalué au delà du temps. Il existe une musique presque invertébrée, au demeurant structurée par la coagulation d’instruments et de voix purifiés des scories de notre temps.

Franck Irle

Amber Asylum – Ruby Red
Label : Prophecy Productions
Date de Sortie : 7 mars 2025

 

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