Abandonnant ses héros récurrents, Michael Connelly nous présente l’inspecteur Stilwell, représentant du shérif du comté de Los Angeles sur l’île de Santa Catalina. Première rencontre au goût d’inachevé…

Après la parution en janvier du dernier Bosch et Ballard, À qui sait attendre, les amateurs de Connelly n’auront pas eu à patienter longtemps pour découvrir un nouveau roman. Ici, point de vieux briscard ni d’inspectrice surfeuse à ses heures perdues. Le lecteur fait la connaissance d’un petit nouveau dans l’univers Connelly : l’inspecteur Stilwell. Mis à part son grade et les raisons de sa mutation manu militari sur l’île de Catalina, qui fait office de mise au placard, le lecteur ne découvrira pas grand-chose de plus sur ce nouvel héros dans les pages de Sous les eaux d’Avalon, pas même son prénom.
Et c’est peut-être l’un des manques de ce nouveau roman : plus d’épaisseur et de profondeur des personnages. Tout reste assez plat dans ce Connelly. L’intrigue est très classique et les personnages superficiels. C’est à se demander pourquoi ce roman sort si rapidement après celui de janvier (publié en octobre 2024 aux Etats-Unis). Il semble avoir été écrit ou amendé très peu de temps avant sa sortie, il y est fait mention des incendies de janvier 2025 à Los Angeles. Et d’ailleurs, là aussi, que mention de cet évènement majeur du début d’année au détour d’une page, alors que cela aurait pu être un tremplin pour lancer une nouvelle intrigue.
Si Stilwell est fort sympathique, on aurait aimé plus d’aspérités et de failles. Pourquoi tant de précipitation à lancer un nouveau personnage ? C’est la question qui nous taraude en refermant le livre. L’intrigue manque cruellement de relief et de ces rebondissements auxquels nous a pourtant habitués Michael Connelly.
Un corps est retrouvé immergé dans le port. Il s’agit d’une jeune femme par ailleurs accusée de vol par le directeur d’un club nautique de luxe de l’île. Stilwell, nouveau venu sur l’île, en réfère aussitôt à son patron, le shérif du comté de Los Angeles. Mais échaudé par ses récents déboires, il compte bien mener l’enquête malgré les instructions de sa hiérarchie de ne pas marcher sur les plates-bandes des Homicides.
Les lieux de l’intrigue sont paradisiaques : l’île de Santa Catalina, qui, de mémoire d’inconditionnelle de Connelly, est déjà mentionnée dans Los Angeles river, excellent opus dans lequel Bosch enquête sur la mort de McCaleb à la demande de sa veuve. Eh oui, nous connaissons nos classiques chez Benzine Mag…
Cette île semble chère à Connelly, donc pourquoi pas ? Cela paraît vendeur sur le papier, mais là aussi, rendre palpitants des trajets en voiturettes de golf conduites par les flics de l’île n’est pas chose aisée.
L’ambition de Michael Connelly est d’intégrer ensuite Stilwell à une intrigue incluant un de ses personnages récurrents : « Quand je crée un nouveau personnage, il est généralement présenté dans un livre indépendant de ceux que j’ai déjà écrits, puis intégré dans les suivants, souvent par sa rencontre avec un personnage établi de longue date. C’est le plan avec Stilwell. Il reviendra certainement, et je suis à un stade où je réfléchis à qui je vais le présenter en premier. Haller ? Ballard ? Bosch ? Peut-être McEvoy ? Je n’ai pas encore décidé, mais je m’amuse à imaginer toutes les possibilités ».
Ce qui a très bien fonctionné pour Ballard ne coule pas de source Sous les eaux d’Avallon. Il aurait peut-être fallu associer Stilwell à un habitué de l’univers Connelly pour lui montrer comment séduire le lectorat. Ce premier rendez-vous est manqué, mais faisons confiance au talent de l’auteur pour rattraper ce sympathique Stilwell dans sa voiturette de golf et le présenter à qui de droit pour en faire un héros digne de la « brigade Connelly« .
Caroline Martin