Clamser à Tataouine, c’est avant tout la trajectoire d’un personnage en marge de la société et qui est bien décidé à le rester. Dans ce premier roman signé Raphaël Quenard, on est embarqué par la gouaille singulière d’un narrateur sans cesse dans la provocation.

Le narrateur est un loser en bout de course qui n’a plus goût à rien. Il n’est pas loin d’en finir lorsqu’il décide finalement de faire payer à la société les raisons de sa mise à l’écart. Pas évident de se remettre en question mais beaucoup plus simple de s’occuper des autres. Et c’est ce qu’il s’apprête à faire en tuant tout simplement une figure qui représente pour lui une classe sociale donnée. Une personne qu’il va choisir au gré des rencontres en se laissant guider par son macabre projet. Ce narrateur qui n’est autre qu’un tueur est en réalité la création d’un autre homme que l’on rencontre au début du roman. Un homme qui s’apprête à vivre chez une octogénaire et qui finit par lui parler d’un roman en cours avec ce fameux personnage de tueur. Un roman dans le roman en somme.
On entre dans la tête de ce tueur en découvrant le manuscrit, un dangereux bonhomme qui en même temps à un regard particulièrement lucide sur ses congénères (un regard qui envoie de sacrées répliques sur certains passages). Raphaël Quenard s’essaie au roman avec talent et j’ai été agréablement surpris par ce texte. Un ton acerbe et surtout un humour qui touche (on rit malgré le glauque, malgré la philosophie plus que discutable du tueur). Ce n’est pas tous les jours que l’humour fonctionne comme ça dans des fictions et ça vaut le coup de le relever. Paradoxalement on s’attache quand même à ce personnage ambigu au fil de ses réflexions sur la vie. On sent qu’il est sûr de lui et qu’il agit en toute impunité. Pour autant on imagine bien que tout cela ne va pas bien finir et que son plan va dérailler à un moment ou un autre.
Ce livre fait un peu penser au personnage de Nagui Zinet dans son premier roman Une trajectoire exemplaire paru chez paru chez Joëlle Losfeld. On y retrouve ce travail sur la langue, les tournures qui vont bien et qui font rire, sans trop en faire. Le personnage est un peu blasé, le tout formant un juste dosage qui fonctionne bien dans Clamser à Tataouine.
Curieux de lire à nouveau l’auteur pour voir où il peut aller sur un nouveau texte avec cet humour grinçant. En parallèle au comportement provoquant de son narrateur, on retrouve aussi quelques éléments autobiographiques au fil du texte, à commencer par des références à Grenoble et sa région, d’où est originaire Raphaël Quenard. L’auteur parle aussi de son vécu et ça se sent.
Sébastien Paley