Féru de romans d’aventures et policiers, François Sureau a créé une héros qui a la faculté de traverser le temps. Les enfants perdus est le premier volet d’une série prometteuse avec, ici, une réflexion sur l’origine du mal.

Yes, mes jeux de mots sont aussi laborieux en anglais qu’en Français mais je ne peux pas m’en empêcher.
Thomas More… le nom me disait quelque chose. Comme je ne l’ai pas retrouvé dans ma collection d’albums paninis de vieux footballeurs, j’ai fouiné dans mes souvenirs de philo pour situer le bonhomme. Néanmoins, j’avais du mal à imaginer l’austère humaniste anglais du début du 16ème siècle, auteur de « L’Utopie », si têtu qu’il avait fini décapité, puis canonisé, devenir un détective immortel de romans policiers. D’un autre côté, tous les Highlanders ne peuvent pas d’appeler Big MacLeod.
Je sais que la mode est au recyclage d’auteurs célèbres pour en faire des héros de seconde main. Oscar Wilde, Jules Verne ou Conan Doyle sont ainsi devenus des personnages de fiction. Il est même du dernier chic de les confronter à leurs personnages les plus célèbres. Quand on n’a pas d’imagination, on a des références.
Alors vol d’identité, hommage érudit ou pédigrée qui claque ? Un complément d’enquête s’imposait. On retire la muselière à Elise.
Les académiciens restent de grands enfants. Féru de romans d’aventures et policiers, François Sureau a décidé de se faire une petite fleur (oui, elle était trop tentante celle-là), d’abandonner ses rêveries littéraires de promeneur solitaire, ses pérégrinations spirituelles et ses hommages aux épopées militaires pour renouer avec ses jeunes années et créer son propre héros perspicace à pipe et petites cellules grises.
Comme l’ancien avocat est aussi un passionné d’histoire, son personnage, doté du mystérieux pouvoir de traverser le temps, un peu comme Tom Cruise, va mener ses enquêtes dans différentes époques.
Pour ce premier volet, l’action se passe en 1870, après la branlée de Sedan. Commissaire spécial de la sureté à la réputation de fin limier, Thomas More est retenu prisonnier avec près de 80 000 soldats dans la presqu’île d’Iges. Alors que More fait face à l’assassinat d’un capitaine de cuirassiers à proximité de son campement, le roi de Prusse lui demande de faire un extra et d’enquêter sur le crime d’une jeune femme trucidée dans son entourage. Quelle importance donner à ces deux morts alors que les cadavres de milliers de soldats jonchent les bords de la Meuse ? Avec un décor de champs de bataille à l’orée de la forêt des Ardennes et en pleine chute du second Empire, le cadre est propice aux mystères et aux dysenteries.
Secondé par son Watson de service, l’intendant Seligman, More va résoudre ces énigmes et s’intéresser ensuite à une affaire d’incendies d’églises qui semblent suivre l’avancée de troupes.
Construit comme un feuilleton, le récit s’intéresse beaucoup plus aux mobiles des tueurs et au passé des victimes qu’à la poursuite des criminels. J’avoue que cette focale sur les personnages au détriment de la recherche de l’identité des tueurs a frustré mon côté détective du dimanche, de Barnaby sur canapé. J’ai trouvé que la résolution des crimes se faisait trop dans le dos du lecteur, avec quelques pirouettes narratives un peu fades.
Ce que le récit perd en suspense, il le gagne par contre en profondeur. L’encre invisible de l’intellectuel se manifeste à travers des réflexions sur l’origine du mal et le point de bascule du passage à l’acte criminel. Qu’est-ce qui transforme un homme en criminel ?
Puisque l’auteur annonce une longue série autour des aventures de ce personnage assez charismatique, bien que trop cachottier, qu’il y aura plus de Thomas More qu’il n’y a eu de Napoléon, dont le numéro 3 abdiquera après la défaite de Sedan, je vais suivre ce feuilleton plutôt prometteur et original en espérant une plus forte de machiavélisme.
De toutes façons, avec un Highlander, il ne peut pas en rester qu’un.
Olivier de Bouty