« Sister Midnight » de Karan Kandhari : Enfermée (dedans et) dehors

Avec Sister Midnight, Karan Kandhari aborde la question du mariage arrangé en Inde en mixant comédie noire et fantastique. Pour un film croisant de multiples influences sans que ses prises de risques soient le plus souvent payantes.

Sister Midnight
Copyright Capricci Films

Passer d’un film commercial à un film d’auteur indien, c’est souvent passer du formatage des cinémas populaires en langue hindi, tamoul, télougou… à un cinéma semblant calibré pour les grands festivals. On ne saurait en dire autant de Sister Midnight. Montré à la Quinzaine cannoise en 2024, le film est proche de l’esprit de bien des films vus en compétition cette année-là : des films hybrides, tentant de sortir du cadre quitte à se rater.

Dans le film, Uma (Radhika Apte) arrive donc à Mumbai après un mariage arrangé. Dans son taudis, elle cohabite avec un mari lâche et égoïste. Dans le minimalisme et l’humour à froid, on trouve l’ombre de Kaurismäki. Le décor des taudis du film et les plans larges du film en intérieur évoquent quant à eux Wes Anderson. Deux influences dont le mariage ne fonctionne pas. On pourrait dire de même de l’utilisation d’une bande son Blues/Rock incluant entre autres Howlin’ Wolf, The Band, les Stooges, un chanteur cambodgien mythique pour avoir croisé Rock et musique traditionnelle locale (Sinn Sisamouth), Buddy Holly, Motörhead ainsi que T-Rex.

Une chose fonctionne cependant dans cette partie du film : le sentiment d’aliénation d’Uma, c’est autant celui face au mariage arrangé et au rôle de la femme dans ce dernier que celui face à Mumbai. Ville où la supposée solidarité féminine n’est pas spontanément de rigueur, ville où tout ce qu’Uma trouve comme job est dans le nettoyage, ville où elle ne trouve des affinités qu’auprès de personnes à la marge.

Progressivement le film va déboucher sur une version surréaliste de Taxi Driver (l’affiche anglo-saxonne pastichant d’ailleurs celle de Pellaert pour le Scorsese). Rejetée par les personnes l’entourant, Uma se transforme littéralement en monstre. Au nom d’une posture se voulant punk, le film s’enferme alors dans une recherche pas très convaincante de décalé et de déjanté (la parodie de chambara classique diffusée à la télévision voulant refléter le parcours d’Uma, par exemple).

On pourrait en fait dire que le film de Karan Kandhari, artiste multidisciplinaire ayant entre autres signé un vidéoclip pour Kapranos and co, incarne le cas d’œuvres dans lesquelles la créativité de l’auteur/autrice n’est pas (encore ?) canalisée.

Ordell Robbie

Sister Midnight
Film indien, britannique et suédois de Karan Kandhari
Avec : Radhika Apte, Ashok Pathak, Chhaya Kadam…
Genre : Comédie, Drame, Fantastique
Durée : 1h48min
Date de sortie en salles : 11 juin 2025

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