« La loi de la tartine beurrée » de J. M. Erre : Psychologie de la biscotte

La loi de la tartine beurrée, dernier roman en date de J.M Erre, est aussi absurde et drôle que les précédents. Une vraie pièce de boulevard qui mériterait une adaptation sur les planches !

J.M. ERRE
© Philippe Matsas / Buchet Chastel

Un titre qui ne détonerait pas dans l’allée, non l’avenue hélas, réservée au développement personnel de ma librairie, peut-être coincé entre « Amour et boulgour pour toujours ! », « je like plus mes échecs que mes succès » et « Graines de chia en paddle yoga ».
Jean-Luc Godart n’a pas qu’un « t » qui le sépare du réalisateur de la nouvelle vague. Notre Jean-Luc, c’est plutôt l’écume d’une pensée à bout de souffle. Il est psychanalyste et très fier de son livre feel-goodien à la guimauve : « les emmerdements n’arrivent pas toujours en escadrille ». Un pied de nez à la citation célèbre de Jacques Chirac, expert reconnu en grivoiseries. Le Grand Jacques aurait certainement demandé à ce Sigmund discount de « réfléchir deux minutes… ce qui n’est pas excessif ! « avant d’avancer son idée fixe. Oxymore de l’inconscient selon Platon.

la-loi-de-la-tartine-beureeAvec son épouse Anna (- Lise ?), psychologue clinicienne, et vraie médecin, ils viennent de pendre la crémaillère de leur nouvel appartement. Le réveil sur le canapé du salon est douloureux, la tenue négligée et une tartine beurrée est collée au plafond. Le genre de découvertes improbables réservées aux lendemains de cuite. Une variante du chat repeint en vert, des paquets chips éventrés sur le parquet et du dodo inconnu.

Passe encore la migraine de cheval et l’haleine de poney, la gueule de bois verni de nos deux psys est accentuée par des coups de téléphone et de sonnettes à répétition pour des livraisons et démarchages en tout genre : pizzas par dizaines, canne à pêche, yaourtière, fleurs, bénévoles d’Emmaüs venus récupérer un canapé…

Les pépins (de Charles) s’accumulent avec un plombier intrusif qui s’invite pour des toilettes bouchées, suivi d’un policier plus que soupçonneux. L’histoire tourne au vaudeville dans un décor unique. Il ne manque que Jacqueline Maillan et des portes qui claquent entre deux scènes de ménage. Pas sûr que les ennuis portent conseil. Jean-Luc a beau chercher, il ne s’agit pas d’une caméra cachée mais d’un récit un brin taquin envers les apôtres de la Toltéquie.

Le psy s’aperçoit que tous les achats et commandes ont été passés et payés avec sa carte et son téléphone. Est-ce une plaisanterie d’un invité de la veille, un complot lacanien, les représailles du fantôme de notre ancien président ou est-ce l’inconscient du psychanalyste qui souhaite le faire méditer sur la vacuité de ses théories, car oui, « les ennuis, c’est comme le papier hygiénique : on en tire un, il en vient dix ! ». Elle est de Woody Allen, celle-là.

Bon, je ne vais pas vous en faire toute une tartine. Le dernier roman de J.M Erre est aussi absurde et drôle que les précédents. Une vraie pièce de boulevard qui mériterait une adaptation sur les planches. Cet auteur, que je suis fidèlement (même si je l’ai trompé avec beaucoup d’autres) depuis Prenez-soin du chien, œuvre aussi pour Fluide Glacial, bible d’irrévérences qui ne peut pas plaider l’innocence dans l’éducation de mon mauvais esprit.

Je vous laisse découvrir de quel côté va tomber la tartine sans m’attarder. Si j’en crois Murphy, pas Eddy de Beverly Hills mais l’optimiste à l’origine de la Loi de l’emmerdement maximum, ainsi que les lois de la physique, en moyenne, une tartine met 0,7 seconde pour faire un tour complet et a 62 % de chances de tomber du côté beurré. Oui, des chercheurs ont travaillé ce sujet essentiel pour l’humanité et l‘ami Ricoré. Pas pour moi. Mon régime exige des viennoiseries.

Olivier de Bouty

La loi de la tartine beurrée
Roman de J.M. Erre
Editeur : Buchet-Chastel
208 pages – 19,50 €
Date de parution : 6 février2025

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