[OCS] The Handmaid’s Tale – Saison 6 : un échec et une trahison ?

La grande série que fut durant au moins trois saisons The Handmaid’s Tale se termine très mal avec une dernière volée de 10 épisodes dont peu s’avèrent au niveau des brillants débuts des éprouvantes aventures de la « Servante écarlate », June Osborne.

The Handmaids Tale S6
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Il aura donc fallu attendre près de deux ans et demi pour pouvoir regarder la conclusion de la saga de June Osborne, la « servante écarlate », vecteur de rébellion au sein de Gilead, une large partie des USA détachée du reste du pays et qui a sombré dans une dictature religieuse, mélange visionnaire de l’Iran des Mollah et des principes « trumpiens ». Si l’on se souvient avec émotion des trois premières saisons de l’adaptation du best seller uchronique de Margaret Atwood, et de leur irrépressible charge émotionnelle (associée qui plus est à une véritable réussite esthétique grâce à ces lents ballets glaçants de « servantes » au milieu de décors inhumains), on avait peu à peu déchanté dans les saisons suivantes : la fiction imaginée par Bruce Miller et son équipe peinait à imaginer une poursuite du récit « en dehors » de la prison inhumaine que constituait Gilead : le peu de crédibilité des scènes de guerre et de résistance, alors que ce qui reste des USA guerroie contre Gilead, ainsi que le manque d’enjeux convaincants dans le retour de June à « la civilisation », au Canada où se sont réfugiés les fugitifs ayant réussi à échapper à Gilead, débouchaient sur un encéphalogramme de plus en plus plat de la série.

The Handmaids Tale S6 afficheLa fin de cette « belle histoire », peu à peu victime de la répétition et de l’usure, était donc attendue avec impatience. La bonne nouvelle est que, cette fois, enfin, c’est fini (et encore, sait-on jamais ?), la mauvaise est que, en dépit de deux bons épisodes dans la partie finale de la saison (le 8ème, Exodus, et le 9ème, Execution, et on remarquera que la quasi totalité des images du « teaser » sont extraites de ces deux épisodes, ce qui n’est évidemment pas une coïncidence !), qui retrouvent la tension des premières saisons, tout cela reste largement décevant.

La faute en revient avant tout à un scénario qui n’a clairement pas grand chose à nous raconter, ce qui résulte dans au moins quatre épisodes où il ne se passe rien de significatif, où l’on a du mal à même s’intéresser aux péripéties faiblardes sur l’écran, ou, pire encore, à des personnages qui ne sont plus que les pâles reflets des êtres de feu et de souffrance qu’ils étaient naguère. Il est particulièrement décevant de regarder la grande Elisabeth Moss se démener (un peu) pour incarner une June qui n’a plus grand chose de la douloureuse héroïne que l’on a tant aimé dans la série.

Alourdissant encore le fardeau de cette première partie de la saison, il faut admettre que rien à l’écran n’est réellement crédible, ce qui tue toute tension : les allers et retours sans problèmes des résistants entre le Canada et Gilead / Boston, l’absence de réelle menace au cours de ces pérégrinations, la confusion qui règne au sommet du pouvoir à Boston, la création ridicule de la Nouvelle Bethleem, les rapports incohérents entre June et Serena (Yvonne Strahovski, qui semble elle aussi avoir perdu son aura de grande « méchante » qui faisait une partie du charme de la série)… rien ne va. On se consolera à la rigueur avec les personnages de Janine (Madeline Brewer) et surtout Aunt Lydia (Anne Dowd, toujours brillante) qui sont les seuls à garder intacte la flamme, la rage qui les animait. Mais le constat est sévère : la saison aurait été réduite à cinq ou six épisodes, elle en aurait été bien plus intéressante.

Et puis, après la tension qui culmine dans les huitième et neuvième épisodes, qui retrouvent une certaine magie des débuts, il y a cet interminable dernier épisode (The Handmaid’s Tale, titre éponyme ne se justifiant guère) qui abandonne les personnages à leur sort au long d’interminables ruminations sur le passé et sur ce qui aurait pu advenir, tout en expliquant (humour involontaire, ou volonté de ménager la possibilité d’une suite ?) que rien n’est fini : il reste toujours la fille de June à délivrer, et la guerre entre les USA et Gilead ne fait que commencer : prochaine étape, New York !

On tiquera aussi sérieusement sur le fait que l’athéisme militant des personnages du début de la série a fait place – très clairement ici – à une foi religieuse qui ne se distingue guère de l’obscurantisme de Gilead que par quelques principes moraux. C’est, nous semble-t-il, un compromis inutile mais significatif vis à vis du virage religieux actuel des US, et une véritable trahison des thèmes centraux de l’histoire.

Eric Debarnot

The Handmaid’s Tale – Saison 6
Série TV US de Bruce Miller
Avec : Elisabeth Moss, Yvonne Strahovski, Ann Dowd
Genre : Drame, Politique, Science-fiction
10 épisodes de 50 minutes mis en ligne (OCS) d’avril à mai 2025

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