[Live Review] Blonde Redhead, Kadavar et DITZ (entre autres) à Levitation : bonne baignade !

Hier, c’était le premier jour de Levitation à Angers, et on vous raconte ça en détail, sans oublier de vous poser quelques questions…

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Ditz à Leviation – Photo : Mickaël LIBLIN

Révolution cette année à notre très cher Festival Lévitation : on quitte le Chabada et son parking certes urbain, mais finalement bien commode, pour la verdure du Lac de Maine, avec à gauche de la scène un plan d’eau tentant dans les conditions de grande chaleur que nous connaissons en ce moment. Et puis, dans un espace finalement plus étroit, on passe de deux scènes à une seulement, et, conséquence logique, à une douzaine de groupes et d’artistes uniquement au lieu d’une petite vingtaine. L’accès est également plus complexe depuis le centre-ville d’Angers, mais, en compensation, on bénéficie d’une zone de restauration et de « shopping » plus étendue et plus agréable qu’au Chabada. Gageons de toute manière qu’il s’agit seulement de prendre de nouvelles habitudes !

Le programme de cette première journée a la particularité d’être particulièrement diversifié, tant en nationalités des artistes qu’en termes de genres musicaux, le Psyché pur et dur qui est l’ADN du Festival étant plus dilué aujourd’hui. Faut-il s’en plaindre ? Réponse à la fin des deux jours !

2025 06 27 New Candys Levitation Angers (10)17h30 : C’est New Candys, groupe réputé de rock psyché italien, qui a la dure tâche d’ouvrir la première journée du festival devant un public encore très réduit. Et puis, jouer une musique aussi « nocturne » que le Rock Psyché, surtout vêtus de noir – avec une classe tout italienne – sous le soleil estival et avec une température qui monte, c’est un sacré défi. Bon, ils ont pour eux le soutien d’un comité d’accueil particulièrement sympathique et actif, qui porte les Vénitiens au pinacle (d’ailleurs pas mal de ses membres quitteront les premiers rangs après le set de New Candys). On avait parlé d’une évolution récente du groupe qui inclurait désormais de l’électronique dans sa musique, eh bien ça n’a clairement pas été le cas sur scène cette fois, on a eu droit à un psych-rock totalement « by the book », respectueux des (excellents) codes du genre. Ce quatuor bénéficie de l’énergie de deux guitares, de bonnes compositions bien interprétées et bien chantées… mais manque juste un peu de folie, du moins à notre goût. Sans même mentionner l’absence totale de communication avec le public. Il est intéressant aussi de remarquer que Fernando Nuti, le créateur du groupe et son leader, est celui qui se dissimule le plus derrière sa grande mèche, ses lunettes noires et ses mains autour du micro, et que l’apport du « nouveau » guitariste, Emanuele Zanardo, est conséquent, musclant la musique. Les dernières dix minutes verront le set monter nettement en intensité, ce qui nous laissera sur une excellente impression.

Question (idiote) finale : si ces « nouveaux bonbons » sont entièrement vêtus de noir, s’agit-il de friandises au réglisse ?

2025 06 27 Ditz Levitation Angers (16)18h50 : Au tour de DITZ de se débattre avec la chaleur de la soirée. Le fait que DITZ, l’un des groupes de « post punk » les plus en vue actuellement, passe aussi tôt dans le programme est un peu surprenant, une grande partie du public étant là pour eux. Peut-être que la nécessité pour eux de voyager jusqu’à Nîmes pour y donner un concert le lendemain explique cet horaire ?  Comme d’habitude avec les Brightoniens, la musique est violente mais également brisée, fracturée, au point d’en sacrifier son intensité. Comme d’habitude, Cal Francis passe tout son temps à organiser le chaos dans le public, ce qu’il fait très bien, et à grimper le plus haut possible sur la structure de la scène (ce qui doit inquiéter les organisateurs, on l’imagine bien !). Si la musique de DITZ est intéressante, de par son caractère expérimental (on peut penser dans ses meilleurs moments à Gilla Band !), le phrasé de Cal Francis est également assez monotone : on imagine bien que le principe, comme chez tant de jeunes groupes anglais depuis des décennies, est de matérialiser une forme d’ennui ultime, mais l’arrogance n’est jamais très loin.

2025 06 27 Ditz Levitation Angers (17)La setlist, à vue de nez, est la même que lors des concerts précédents de la tournée, cette absence de prise de risque pouvant s’expliquer par la présence d’un guitariste de remplacement, le titulaire du poste s’étant a priori cassé le poignet. Mais le « substitute », visiblement crispé, ou tout au moins concentré, fait le taff, bravo à lui ! La section rythmique de DITZ est vraiment impressionnante, et les mauvaises langues comme nous diront que c’est peut-être quand Cal est occupé à ses pitreries que le groupe joue le plus efficacement. Il faut néanmoins avouer qu’une partie du plaisir aura été gâché par des tourbillons de poussière, asphyxiant le public et limitant même la visibilité, soulevés par le moshpit : on en a presque regretté le goudron du Chabada !

Dans le domaine des pitreries de Cal, il nous aura parlé tout au long du set de « comment ça sera bien de se baigner ! » et que « la meilleure des bières, c’est celle qu’on boit quand on est dans l’eau ». Arrive le dernier morceau du set, Cal fonce piquer une tête dans la Maine (assez déconseillée par les locaux, cette expérience !) et en ressort couvert d’algues, qu’il jettera ensuite généreusement sur les photographes et les premiers rangs. Pas sûr qu’il soit en forme demain soir pour son concert à Nîmes ! Bilan : 45 minutes qui auront réjoui une grande partie du public, mais auront laissé sceptique une minorité, dont, avouons-le, nous faisons partie.

Question (sérieuse) finale : quelqu’un a-t-il déjà assisté à des jets d’algues sur le public lors d’un concert de Rock ?

2025 06 27 Hinds Levitation Angers (19)20h10 : On a observé depuis la fosse de petits problèmes durant le soundcheck des Madrilènes de Hinds, qui a retardé le début de leur set. De plus, des soucis de son avec l’orgue d’Ana Perrote désorganiseront la setlist. Peu importe en fait, la pop joyeuse du groupe fonctionne dans les derniers rayons du soleil couchant, et les filles sont pleines d’une énergie positive qui fait bien plaisir à voir. Leur communication en français avec le public s’avère parfois hasardeuse, mais bienvenue après le mutisme des Italiens et les délires en anglais – forcément ! – de DITZ. Dans la setlist, certains titres tombent du mauvais côté du « mignon », du trop sucré, alors que c’est quand leur musique se tend, se durcit, qu’elle devient belle.

Dans la dernière ligne droite, deux titres plus rock montrent le potentiel énergique du groupe, avant un final foufou et déchaîné qui voit Ana et sa complice Carlotta Cosials tenter un réjouissant numéro d’équilibristes. Une partie du public se réjouit de cette joie de jouer et de vivre, mais le garage (pop) rock de Hinds n’aura semble-t-il pas été du goût de tous.

Question (sérieuse) finale : n’y a-t-il pas en France une sorte de règle implicite que quand on joue du Rock, on ne doit pas avoir l’air de s’amuser ?

2025 06 27 Kadavar Levitation Angers (3)21h35 : Bon, après la fantaisie espagnole, le sérieux allemand ! Kadavar, groupe berlinois qui fait comme si on était encore dans les années 70, tant du point de vue influences musicales que vestimentaires, n’est pas là pour rigoler, ça se sent tout de suite avec le GROS, GROS son qu’ils déversent sur nous, et avec leurs mimiques plus menaçantes que bienveillantes. On rigole maintenant, mais devant Kadavar, on faisait moins les malins. Soulignons en particulier le jeu de scène fascinant et étrange de Simon « Dragon » Bouteloup – un Français d’ailleurs, même s’il ne prononcera pas un seul mot ! – et la prestation explosive du batteur, Christoph « Tiger » Bartelt, qui a perdu ses cheveux mais pas son style spectaculaire. Et l’apport d’un second guitariste, depuis deux ans, a encore musclé le son du groupe.

Si le set a démarré de manière presque « rétro », a fait une embardé avec une petite faute de goût Rock FM (Regeneration), il a laissé infuser ensuite des influences plus contemporaines, faisant preuve d’une démarche originale. Mais surtout, peu à peu, le set s’intensifie, la musique se fait plus lourde, plus psyché. Jusqu’à devenir un énorme maelstrom sonore, hypnotique, d’une puissance hallucinante (Into the Wormhole le bien nommé, Die Baby Die…). Comme les lumières sont très belles, et le groupe spectaculaire, on s’achemine vers un triomphe. Un problème technique avec sa guitare énerve clairement Christoph « Lupus » Lindemann, et met les roadies en panique. Avouons que, du côté du public, nous n’avons pas réellement perçu la nature du problème… Le set sera néanmoins écourté de 5 minutes (1h10 au lieu de 1h15), du fait du retard pris. Pas trop grave, c’était tout simplement magistral.

Question (idiote) finale : un festival, c’est un jeu qui se joue à une dizaine de groupes, et à la fin ce sont les Allemands qui gagnent ?

2025 06 27 Blonde Redhead Levitation Angers (15)

23h30 : Après cette tornade, on se demande bien comment nos chouchous de Blonde Redhead vont pouvoir exister, et il faut admettre que la première demi-heure de leur concert ne fonctionnera qu’à moitié : alors que les morceaux iconiques s’alignent, les voix de Kazu et d’Amedeo restent à peu près inaudibles, et on voit que le trio lutte pour trouver ses marques. Décidément, cette première journée de Levitation aura fait souffrir ses artistes avec une succession de petits problèmes techniques !

2025 06 27 Blonde Redhead Levitation Angers (12)On imagine très bien qu’une partie du public aura abandonné le concert et se sera dirigée vers les food trucks et les stands de bière, voire aura quitté les lieux pour ne pas arriver trop tard à la maison ou à l’hôtel. Les fidèles qui seront restés auront été récompensés, car une fois les soucis de sons réglés, tout va se mettre miraculeusement en place, et la magie dont on sait Blonde Redhead capable de dispenser va ruisseler sur nous. Jusqu’à nous amener au bord des larmes : des moments comme Sit Down for Dinner, Pt. 1 et Pt. 2, SW, 23 et Kiss Her Kiss Her nous ferons enfin… LEVITER !

Conclusion en forme de « célébration » de la Palestine, avec t-shirt arboré par Kazu, et drapeau palestinien agité sur scène par un membre du public. Histoire de nous rappeler, ce que nous n’avons pas forcément envie d’entendre, que des enfants meurent pas si loin de nous, alors que nous nous disputons pour savoir qui a été le meilleur groupe de cette première journée de Levitation ?

Question (sérieuse) (vraiment) finale : Peut-on sereinement jouer et écouter du Rock quand le monde flambe – métaphoriquement et factuellement – autour de nous ?

New Candys 
DITZ
Hinds
Kadavar
Blonde Redhead

Eric Debarnot
Photos : Eric Debarnot / Mickael Liblin – LEVITATION FRANCE (lorsqu’indiqué)

Festival Levitation (Lac de Maine – Angers)
Production : Radical
Date : 27 juin 2025

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