[Live Review] Steve Von Till au Point Ephémère : « laissez-vous engloutir dans la musique »

Drôle d’expérience que celle que propose Steve Von Till sur scène, avec sa musique largement immobile qui recherche une sorte d’élévation spirituelle. Suivant les spectateurs, cela marchera ou pas… mais c’est bien là l’intérêt d’un tel concert.

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Steve Von Till au Point Ephémère – Photo : Eric Debarnot

Ce samedi soir, il y avait au Point Ephémère une alternative un peu particulière pour les amateurs de musique live qui ne voulaient pas payer une centaine d’euros pour voir Nick Cave seul au piano à la Philharmonie (bon, on sait qu’il y avait aussi avec lui ce bassiste du petit groupe alternatif inconnu Radio-quelque chose…), ni même se faire piétiner sauvagement par les fans surexcités de Fidlar au Trabendo : oui, il restait la possibilité de tenter une expérience plus extrême qu’elle ne paraissait a priori, celle offerte par Steve Von Till.

 

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Photo : Jean Ox

Steve Von Till n’est pas une « star », et d’ailleurs la faible affluence au Point Ephémère nous conforte sur ce point, ce qui est quand même bien dommage, car pour un artiste, jouer devant une salle presque vide n’est pas une expérience très agréable. La concurrence de Nick Cave, dont on pourrait dire (en poussant un peu quand même…) que le fameux Ghosteen se rapproche de ce que fait Von Till ? Ou bien tout simplement le fait que, en solo, la musique qu’il propose est très éloignée de celle de son groupe de « post-metal », Neurosis, comme de celle de son expérience déjà bien expérimentale de Tribes of Neurot ? On trouve pas mal de qualificatifs, « d’étiquettes » pour définir le travail de Von Till, mais, pour être honnête, à la fin des 75 minutes de concert de ce soir, nous aurions été bien en peine d’en utiliser à notre tour : ce qu’il joue ne ressemble qu’à lui, et c’est là un sacré compliment qu’on peut lui faire.

Quand, à 20h05, Steve Von Till apparaît sur scène (pas de première partie, ce soir, donc !), on comprend qu’il jouera en format trio, avec un violoncelliste au rôle central, et un multi-instrumentiste chargé de tout le reste (claviers, basse, percussions, etc.). Il nous annonce d’emblée quelque chose comme : « Nous allons jouer 70 minutes de musique dans laquelle vous devrez vous engloutir », une fois ses deux acolytes présentés. Plus un mot ne sera prononcé ensuite jusqu’à la fin du set, et le public restera lui-même totalement silencieux, hormis les cris d’appréciation entre les titres (Bon, il y aura bien à un moment une paire de crétins qui se mettront à jacasser, l’humanité restant ce qu’elle est, pitoyable, même à un concert de Steve Von Till…).

Mais la musique, alors ? Eh bien, disons qu’il s’agit principalement de lentes boucles jouées au violoncelle et aux claviers, sur lesquelles Steve pose une voix très grave, mais également rocailleuse (allez, disons entre Nick Cave et Tom Waits, pour situer l’organe). Mais ce qui est frappant, c’est la quasi-immobilité de la musique, extrêmement contemplative, totalement intériorisée, sans mélodie pour s’accrocher aux branches, sans réelles variations de rythme ou d’intensité. Bon, il y aura bien un peu de guitare électrique sur trois titres (Distance, Known but not Named et River of No Return, sauf erreur de notre part), et il faut bien admettre que cela fait quand même du bien quand ça arrive !

2025 07 05 Steve Von Till Point EphémèreComme le tout est interprété dans une quasi obscurité par des musiciens immobiles (circulez, il n’y a rien à voir !), la seule solution pour l’auditeur est de se replier sur lui-même et d’aller chercher tout au fond de son âme (ou de son corps) le sens de cette musique, qui doit résonner à un certain moment avec ses propre interrogations « métaphysiques » : car en l’absence d’émotion (grosse différence avec Nick Cave justement), c’est un haut degré spirituel qu’essaie d’atteindre Von Till, ce qui est indiscutablement admirable. Admirable mais austère, il faut bien l’admettre, surtout pour ceux – et ça a été notre cas, à notre grande honte – qui n’arrivent pas « à l’élévation »…

Paradoxalement, pour nous, c’est quand il a simplement récité un poème (la setlist portait la seule information de « Poetry » à ce moment-là) qui semblait rempli d’interrogations cosmiques que nous avons trouvé le set le plus convaincant : comme si la force des mots dépassait celle de la musique.

S’il est indéniablement frustrant de rester sur le quai, quand autour de nous, d’autres embarquent les yeux fermés et le visage radieux à bord du train spirituel de Steve Von Till, nous ne nous avouerons pas vaincus, et retenterons l’expérience à son prochain passage en ville. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on a affaire à une telle exigence de la part d’un artiste.

Eric Debarnot
Photos : Eric Debarnot / Jean Ox (merci à lui)

Steve Von Till au Point Ephémère
Production : Persona Grata
Le samedi 5 juillet 2025

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