Star Wars et Marvel peinent à trouver leur rentabilité sur Disney+. Depuis le confinement, rares sont les succès rencontrés sur ces deux marques pour des productions qui peinent à rentrer dans leurs frais. Andor, drame en deux saisons est sans doute la plus grande réussite stellaire de la plateforme.

Ce n’est plus vraiment un secret, Disney galère à rentabiliser sur petit et grand écran les deux franchises payées à prix d’or : Star Wars et Marvel. Depuis la fin du confinement, rares sont les succès rencontrés sur ces deux marques pour des productions qui peinent à rentrer dans leurs frais. Trop d’histoires de méchants des étoiles, trop de super héros… Ce qui marche en feuilleton papier et comics auprès d’une bande de geeks ne semble pas arriver à atteindre le grand public de la même façon. Et puis au delà de la « fatigue » du public pour les grands méchants et les grands gentils, force est de constater que les productions estampillées Disney n’arrivent pas non plus, côté scénario et rythme, à tirer leur épingle du jeu. Mandalorian a joué sur l’effet waouh de la production virtuelle qui remet le jeu d’acteur au centre des effets spéciaux… Mais une fois passée la découverte, plus rien ! Je ne compte plus les séries Star Wars que j’ai regardées par FOMO (peur de rater un truc) mais dont je suis sorti ni réjoui ni dégoûté. Neutre. Dur pour le fan de 8 ans qui sommeille en moi. Le livre de Bobba Fett, Ashoka, le ratage complet the Acolyte. Chaque fois l’impression d’avoir mâché un chewing-gum qui finit à la benne après avoir suçoté son parfum chimique.
Dans cet enfer du « bof », seule la série pour enfants Skeleton Crew et le double livre d’Andor font figure d’exception : l’effet « mignon » à la Goonies de la première, et la grande fresque politique de la seconde sont à ce jour les deux seules séries à ne pas avoir raté la déclinaison de l’univers Star Wars chez Disney. Et donc que vaut la seconde saison d’Andor, puisqu’on a déjà abondamment parlé de la première saison sur Benzine?
Nous retrouvons Cassian Andor, quelques années après ses aventures « humaines » de la première saison : mélange de quête personnelle et de l’ambition de son mentor Luthen Rael à disposer des pièces d’un jeu de sédition dans le grand échiquier de l’empire. On sait qu’il a réussi au péril de sa vie à nourrir les ambitions financières de l’équipement d’une rébellion. Quand la saison 2 s’ouvre, on le retrouve en train de voler un Tie Fighter expérimental, puis à devenir une sorte de mercenaire en charge d’appuyer des actes de rébellion dans les arcanes du pouvoir de l’empire ou d’exfiltrer les avoués de Luthen.
En fait, la saison 2 prend ses distances du vécu d’Andor pour nous amener à nous intéresser à la « galaxie » de personnages secondaires qui gravitent autour de lui. Il y a Bix Caleen (Adria Arjona) qui, initialement cachée sur une planète agricole où elle est migrante clandestine, a à subir ce qui est la première scène d’oppression de la femme illustrée dans un Disney. Il y a aussi, et surtout, un retournement de la perspective. Si la saison 1 était la narration des prémices de la rébellion dans un univers oppressif et dictatorial qui s’applique à chaque citoyen jusque dans son inhumanité comptable, la saison 2, quant à elle, fait la part belle à l’analyse de la bureaucratie kafkaïenne et mesquine de l’empire naz… euh stellaire.
Cette analyse a deux sujets scénaristiques. Combien la conquête de niveaux de pouvoir infimes doit à la veulerie du jeu des hiérarchies, dans un univers multipliant les petits capos arrivistes en quête de reconnaissance par le cénacle de l’empereur. Une mécanique ici incarnée par le personnage de Dedra Meero (Denise Cough), femme forte dans un monde d’hommes, qui se verrait bien sauter quelques échelons dans sa quête de reconnaissance professionnelle. Quitte à aider, sans grands scrupules, à fomenter un hoax médiatique où le destin des habitants d’une planète importe peu face au mélange de profit impérial et personnel.
La seconde est incarnée par Syril Karn (Kyle Soller) officier de sécurité malmené par Andor dans la première saison. Pour lui, l’empire incarne une sorte de droiture morale, un idéal en lequel peut se réaliser son besoin de cadre et de respect des règles. Il croit à la méritocratie, au sentiment amoureux dans le couple, et entend mener sa quête de vengeance contre les Rebelles au nom de la justice impériale. Sa désillusion n’en sera que plus grande de découvrir que tout ce petit monde ne fonctionne pas avec les règles du jeu qu’il pensait immuables.
Pour ce drame quasi antique, et très très sombre, en écho avec notre humanité contemporaine, le Show runner Tony Gilroy intègre un décor qui le met en valeur. L’essentiel de l’intrigue se situe sur Ghorman : une planète aux ressources convoitées par l’empire dans la construction de l’arme mythique contre laquelle Cassian Andor luttera dans le film Rogue One dont la série est la préquelle. Ghorman avec ses airs de Paris à la veille de la révolution française, mais une ville qui aurait déjà effectué sa mue hausmannienne. Ghorman, qui croit à la vertu de sa lutte contre l’injustice, sans se rendre compte qu’elle n’est qu’un pion dans un univers mondialisé (c’est drôle à écrire). Ghorman, et sa langue étrange, comme un anglais prononcé à la française. Ghorman, et ses huit acteurs hexagonaux : Thierry Godard (oui, oui, de Engrenages) Théo Costa-Marini, Stefan Crepon, Alaïs Lawson, Ella Pellegrini, Raphaël Roger Levy, Richard Sammel et Abraham Wapler. Le show runner a reconnu que son inspiration pour Ghormana été une sorte de village français pendant la seconde guerre mondiale. Et ça se voit.
Les 12 épisodes s’avalent d’une traite. Les décors se multiplient au point qu’on finit par ne même plus faire attention qu’on est dans un univers de science fiction (ah oui, tiens y’a des droïdes), les acteurs font le taf. La multiplication des seconds rôles qui tirent leur épingle du jeu est impressionnante (Elizabeth Dulau mériterait un paragraphe entier). Et pour le fun, j’ai enchaîné avec Rogue One pour voir si la préquelle s’articule parfaitement avec le film. La réponse est oui, même physiquement les 10 ans qui séparent les deux ne laissent pas trop de marques. Et les quelques « plot twists » glissés dans la saison permettent de goûter encore plus le sacrifice de Cassian Andor.
Bref, une série enthousiasmante (la seule?), qui coche toutes les cases de son cahier des charges d’étoffement de l’univers dans lequel elle s’intègre, et qui se permet le luxe d’apporter à l’univers Star Wars un peu plus que le sempiternel duel entre le bien et le mal de la force, avec les hésitations médianes usuelles. Il n’y en a guère dans le catalogue Disney+. Alors ne boudez pas votre plaisir.
Denis Verloes