« Allmen et le dernier des Weynfeldt », de Martin Suter : un « cosy crime » parfait !

Après beaucoup trop d’attente faute de traduction de ses derniers livre, voici le retour très « stylé » de Martin Sutter, avec une nouvelle enquête « cosy » de Johan Friedrich von Allmen. Un roman à ne surtout pas snober…

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© Crédit photo : Marco Grob

Je suis resté sans nouvelle de Johan Friedrich von Allmen pendant près de 10 ans. Après la lecture des quatre premières aventures de ce dandy oisif et dépensier, j’ai cru qu’il avait pris une retraite pas vraiment méritée ou terminé sa carrière de détective, spécialisé dans la disparition d’œuvres d’art, « six pieds Suter« . Dans tous les cas, je savais que je ne le retrouverai pas à pousser la chansonnette sur la place des Grands hommes. Et qu’apprends-je ta bibliothèque ? (Désolé, voilà ce qui arrive quand ma moitié me dérange quand j’écris : tout se mélange.). Que deux ou trois autres enquêtes étaient parues depuis 2015, mais que personne n’avait eu la bonne idée de les traduire en français. Je sais qu’il n’y a plus grand monde qui prend l’Allemand en première langue au collège, mais il doit bien rester quelques afficionados de la déclinaison austère. Oui, j’ai pris Espagnol par facilité.

 Allmen et le dernier des WeynfeldtJ’ignore si ces absences de traduction expliquent le changement d’éditeur français récent de Martin Suter, qui a rejoint les Editions Phébus en 2024 avec la publication l’année dernière du très réussi Melody. Au crédit de cette maison, la beauté de la couverture, très évocatrice de l’ambiance chic du roman.
Comme pour se faire pardonner son absence, Allmen revient accompagné d’un autre personnage apparu dans un précédent roman, antérieur à la série des Allmen, le très riche et très collectionneur, Adrian Weynfeldt (Le dernier des Weynfeldt, 2008).

Ce dernier avait invité quelques amis en sa riche demeure et l’un d’entre eux, tête en l’air, est peut-être reparti avec une babiole disparue, un tableau de Picasso : « Baigneuses au ballon 4 ». Un manque de savoir-vivre pour un invité. Est-ce qu’il viendrait à l’idée de quelqu’un de repartir d’un hôtel avec un peignoir ou des tubes de shampoing ? … Bon, changeons de sujet.
Comme l’authenticité du tableau n’est pas garantie et que dans le milieu bourgeois de Zurich, la discrétion est de mise, Allmen va être chargé de retrouver l’auteur de l’emprunt.

Toujours accompagné de ses gens de maison qui sont devenus ses associés, Allmen va interroger avec une élégance de brunch bordelais une belle brochette de personnages plus ou moins distingués : une sculptrice sur acier qui se détend en jouant de la harpe, un designer qui désigne le vide de ses commandes, un cinéaste en quête de producteur, une octogénaire sans filtre, un couple porté sur les scènes de ménage en public, etc…

Une enquête où la résolution d’un crime importe moins que le paraître et les bonnes manières. Avec Allmen, nonchalance rime avec élégance, les fourchettes sont toujours du bon côté de l’assiette. Les dialogues s’intéressent moins à l’intrigue qu’à la visite chez un tailleur ou la description de la carte des vins d’un grand restaurant.

Dans ce cosy crime, le mystery est très cosy et le récit vaut surtout pour les traits d’esprit de ses personnages ironiques, futiles, mais pas désagréables. Martin Suter prend apparemment beaucoup de plaisir à l’écriture et le partage avec le lecteur. Il connait sur le bout des ongles manucurés la bourgeoisie zurichoise et la moque délicieusement.

Dicker, Federer, Suter : cherchez l’intrus. Un indice ? L’Helvète qui manque de style.

Un roman à ne pas snober.

Olivier de Bouty

Allmen et le dernier des Weynfeldt
Roman de Martin Suter
Editeur : Phebus
192 pages – 16,50€
Date de parution : 15 mai 2025

 

 

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