His Lordship – Bored Animal : c’est la jungle, là dehors !

Pour tous les adeptes (en manque) du psychobilly des Cramps, il existe un nouveau de moyen de survivre dans l’atmosphère toxique de 2025 : se prendre chaque matin une bonne dose du Bored Animal de His Lordship. N’oubliez pas votre ordonnance avant de le demander à votre pharmacie locale !

His Lordship Press Shots London on March 19. 2025
Photos by Ki Price for His Lordship

Si tu penses que le rock’n’roll est mort, c’est probablement que toi, tu l’es. Ou peut-être que tu ne t’es pas encore pris dans ta face Bored Animal, le second album de His Lordship. C’est-à-dire un duo qui n’a pas de temps à perdre avec les nostalgiques dans ton genre (… à moins que tu ne sois, comme moi, nostalgique des descentes aux enfers menées par Lux Interior et Poison Ivy). Fétichiste de la structure couplet-refrain-pont de la pop classique, nostalgique de la « maîtrise technique » des dinosaures du « classic rock », ou encore traître vendu aux bidouillages électroniques du XXIème siècle occidental en pleine déroute, passe ton chemin si tu veux garder tes dents : His Lordship font du bruit, His Lordship jouent vite. His Lordship ne demandent la permission à personne. Pas même à leurs mamans.

Bored Animal

À l’heure où les « musiciens » (rire sardonique) se planquent derrière des claviers et des machines pour éviter de transpirer, His Lordship arrivent avec leurs bottes lustrées et leurs costards noirs, avec une guitare en feu et une batterie qui semble ne pas vraiment savoir ce qu’elle fait, mais le fait implacablement bien. Après un premier album qui a allumé leur réputation au Royaume-Uni comme un incendie dans les faubourgs marseillais, voici leur second album, Bored Animal. Et il n’est pas là pour arrondir les angles : c’est une déflagration nerveuse, rapide, pleine de riffs tordus, de cris à peine contenus, et de chansons qui claquent comme des portes de bar dans un village du Nord de l’Angleterre où plus personne ne tient debout à cette heure-là. Et on est prêts à parier que, cette fois, ce n’est pas une affaire de pose, de buzz. Car, cachés derrière ce duo qui semble avoir décidé de faire revivre l’esprit de The Cramps dans une cave au sol collant de bière renversée par de vieux punks à chien édentés, on trouve James Walbourne (guitariste des Pretenders) et Kris Sonne (batteur danois qui a participé à un album de… Chrissie Hynde). Des vieux, donc. Mais des vieux qui ne cherchent pas à « faire jeune », ni non plus à jouer les mecs expérimentés — ils cherchent juste à faire du bruit. Et ils le font très bien.

Enregistré live en deux semaines dans un coin des Highlands qui ne nous est pas inconnu, puisqu’il s’agit du studio de notre très, très cher Edwyn Collins, Bored Animal est un combat effréné contre l’extinction du Rock : bien annoncé par le single furieux I Fly Planes Into Hurricanes, qui osait évoquer The Hives des débuts (et du coup nous rappelait combien ces derniers s’étaient, malgré tout, assagis), il s’agit ici de jouer la brutalité, de cabosser – amoureusement, quand même ! – les genres qu’on aime : rock’n’roll (Old Romantic), punk (Marc-André Leclerc, clairement un hit oublié dans les souterrains du métro londonien depuis 1977), psyché, garage (The Sadness of King Kong, peut-être le titre le plus parfait parmi les 11 enchaînés ici en moins de 30 minutes)… Il y a aussi – eh oui ! – des moments mélodiques qui rappellent qu’on a affaire à un groupe britannique et non américain : Johnny Got No Beef pourrait évoquer la brit pop des Kaiser Chiefs du début du siècle, Derek E. Fudge sonne comme la musique idéale que Syd Barrett aurait composée s’il avait soigné sa folie en montant le son de son ampli au lieu de s’enfermer chez lui, 12-12-21 qui doit être l’un des morceaux perdus du second album des Undertones. Et ça se termine sur un instrumental – annoncé comme du « Western Noir », un genre dont on n’avait aucune idée qu’il existait – qui pourrait presque passer pour un moment de poésie, s’il n’était pas complètement hébété et brumeux (Gin and Fog, quel titre approprié !).

On a beaucoup fait référence ici à des sons, des disques, des artistes du passé : c’est inévitable, car His Lordship s’inscrivent dans une riche tradition de musiques de folie, de combat et de plaisir. Pourtant, Bored Animal sonne complètement comme un disque de 2025, d’abord parce qu’il fait écho à toute la folie et toute l’angoisse contemporaine (« It’s a jungle out there! » est la phrase qu’on retient de The Sadness of King Kong), mais aussi parce que, la technique moderne aidant, il relève l’un des paris les plus difficiles du « Rock’n’Roll sauvage », reproduire sur un album studio la folie brute des concerts les plus extrêmes : chaque titre semble sortir tout droit d’un set où l’électricité menace de sauter à chaque mesure, et c’en est miraculeux.

Et des miracles comme celui-ci, Dieu sait combien nous en avons besoin !

Eric Debarnot

His Lordship – Bored Animal
Label : His Lordship Partnership
Date de sortie : 17 juin 2025

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