Tami Neilson – Neon Cowgirl : le voyage à Nashville

Entre hommage à Nashville et voyage introspectif, Neon Cowgirl devrait propulser – chez nous – Tami Neilson de l’ombre à la lumière. Puissante, éclectique et habitée, la diva livre un album à la fois grandiose et proche de ses racines, reflet d’un voyage à travers les USA, d’un retour aux sources après la traversée d’une épreuve qui l’a amené à s’interroger sur sa vie et son Art. Immense !

Tami Drake Hotel 1 by Alexa King Stone
Photo : Alexa King Stone

Vous avez craqué toute votre existence sur les duos Nancy Sinatra + Lee Hazlewood, et vous avez regretté qu’ils n’aient pas enregistrés plus de merveilles dans leur style inimitable ? Nous avons une nouvelle fantastique pour vous, une version actualisée (mais pas trop) de cette « bonne vieille magie » : Tami Neilson en duo avec JD McPherson sur You’re Gonna Fall, une tuerie country-gothique de 2 minutes et 31 secondes, qui aurait clairement dû durer le double. Mais si, en bon amateur d’Americana contemporaine, le nom de McPherson, rétro-rocker nourri à l’indie rock et à la country traditionnelle, ne vous est pas inconnu, il y a des chances que vous ne connaissiez pas Tami Neilson : c’est une erreur, non, une faute, que nous allons vous aider à corriger. Parce que, justement, You’re Gonna Fall figure sur Neon Cowgirl, le nouvel album de cette artiste aussi improbable que stupéfiante. Allez, on vous explique…

Neon Cowgirl Tami Neilson n’est même pas originaire des USA, elle est canadienne, née à Toronto en 1977. Plus exotique encore, elle s’est établie en Nouvelle-Zélande depuis 2007. Question « Nashville-cred », on pourrait rêver mieux ! Et pourtant, elle est désormais reconnue aux USA comme l’une des plus grandes descendantes des reines de la country music (D’ailleurs, elle a collaboré avec Willie Nelson, ce qui reste une validation indiscutable, non ?). Mais la réduire à « l’indie country », aussi valide que soit cette étiquette, n’est pas lui faire l’honneur qu’elle mérite : l’un des qualificatifs qui vient à l’esprit dès la première écoute de son Neon Cowgirl est… éclectique !

Mais avant de passer revue les onze chansons qui constituent cet album magnifique, laissons Tami nous en raconter la genèse, car elle a son importance : « Cet album a pris vie dans le grondement de ses six roues, sur les routes d’Amérique du Nord. Je voulais que nos enfants, nés et élevés en Nouvelle-Zélande, découvrent un peu de l’héritage familial des Neilson – un pèlerinage de cinq mois d’un océan à l’autre, aller-retour, à bord d’un camping-car de 11 mètres. (…) Mais deux mois avant notre départ, j’ai été hospitalisée pendant un mois, luttant pour ma vie en soins intensifs à cause d’une septicémie. Notre voyage a alors changé de nature : il est devenu une parenthèse de convalescence et de lente guérison. Il s’est transformé en un moment d’accueil de la vie dans toute son intensité, et de dégustation du temps passé en famille, comme on ne sait le faire qu’après avoir frôlé la mort. » Une dernière information : la « cowgirl de néon » est une enseigne mythique qui domine Broadway à Nashville, et qui a marquée Tami quand, à 16 ans, elle était entrée dans le Ryman Auditorium, et avait rêvé d’y monter sur scène un jour.

L’ouverture du disque sur Foolish Heart est une grosse claque : on y découvre que Roy Orbison a une héritière, ce qui garantit le grand frisson aux amateurs de country et de rock’n’roll « orchestral » et lyrique. Ce n’est pas un hasard, c’est exactement l’objectif de cette chanson dont la démo se nommait Orbiting Orbison ! Car Tami raconte que Roy Orbison l’a tenue dans ses bras quand elle était bébé. Tami : « J’aime penser à ce moment comme à mon véritable baptême. Une petite pincée de sa magie tombant sur mon petit crâne chauve de bébé chauve — un moment séminal, annonçant une destinée musicale à accomplir« . Tu l’as dit, Tami !

Changement surprenant de genre musical avec Salvation Mountain (un désert parcouru lors du périple en camping car) : entre ZZ Top et une soul torride, ce titre va être une bombe, une fois jouée sur scène. La chanson Neon Cowgirl célèbre ce rêve d’adolescence – devenir une étoile de la country music -, un rêve qui, à la fois, aide à avancer et brise régulièrement votre cœur. Finalement, on est très proche ici de ce que Lana Del Rey fait, avec une puissance vocale plus impressionnante, en bonus. N’oublions pas pour autant de mentionner la participation de Neil Finn à ce qui ressemble à un futur classique du genre ! Borrow My Boots est une petite bombe country-gospel, avec banjo en sus : il y a les vocaux explosifs partagés et le solo de guitare bref mais torride de Grace Bowers. Love Someone est une démonstration de soul, gouleyante mais intense, Tami s’adressant aux soi-disant croyants qui, en fait, haïssent leurs prochains (une jolie revendication politique contre la droite trumpiste ? On aime le croire). Keep On est un autre sommet lyrique – bouleversant celui-là – de l’album, dédiée par Tami à son père qui l’a toujours encouragée à poursuivre sa voie. Tiens, on aimerait bien que cette chanson soit un jour reprise par Nick Cave, ce serait une joie !

On a déjà parlé de You’re Gonna Fall, grand moment de ce que les Américains qualifient de « country noir », mais on n’a pas mentionné qu’il s’agit d’une composition de Tami destinée à une série policière néo-zélandaise. C’est bizarre, mais ça fonctionne, et c’est parfait. Le joyeux Heartbreak City, USA est né de l’idée de créer une chanson que Presley aurait pu composer s’il avait chanté sur Nashville au lieu de Memphis. Loneliness of Love est une immense expression de tristesse, mais, comme pour tous les chefs d’œuvre composés alors que l’artiste est au plus bas dans le désespoir, l’effet sur nous est une pure élévation émotionnelle : Tami est grande ! U-Haul Blues revient sur l’enfance difficile de Tami, du fait de la séparation de ses parents quand elle avait 7 ans, et des problèmes de santé de sa mère : ça devrait être tragique, mais ça « rocke » et ça « rolle » ! Revenant en arrière dans le temps, la conclusion – heureuse ? – de One Less Heart raconte la rencontre de ses parents alors qu’ils n’avaient que 19 et 20 ans, et que leur première danse a été sur le Something des Beatles : la chanson sonne pourtant plus comme un hommage à Elvis qu’à Lennon et McCartney !

De toute manière, quel que soit le genre musical qu’elle adopte sur chacune des chansons de Neon Cowgirl, tout au long de l’album, Tami Neilson prouve sa puissance vocale, mais aussi l’extrême sensibilité de son interprétation. Et confirme que la Country reste totalement pertinente, que l’on soit, comme elle, attaché à Nashville et aux racines du genre, ou français ou… néo-zélandais !

Eric Debarnot

Tami Neilson – Neon Cowgirl
Label : Outside Music
Date de sortie : 11 juillet 2025

 

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