[Live Review] Binic Folks Blues Festival – Jour 3 : bénis par les dieux sauvages du rock’n’roll !

Et ce dimanche au Folks Blues Festival de Binic qui ne semblait pas aussi prometteur que les deux jours précédents s’est finalement transformé en apothéose. On remercie la Nef D Fous pour nous offrir d’aussi belles expériences !

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Hooveriii au Festival Folks Blues de Binic – Photo : Eric Debarnot

Reconnaissons que le programme de cette troisième et dernière journée du Festival de Binic – tout au moins à la Scène Banche – nous fait moins rêver, même si nous attendons beaucoup de la performance de Hooveriii, un groupe dont on dit qu’il ne déçoit jamais, ni sur album, ni sur scène. Et puis, il y a peut-être aussi l’effet de la fatigue, après le corps à corps de la soirée de samedi… Du coup, nous faisons l’impasse sur la quasi-totalité de la troisième apparition au festival de Guy Blackman (a priori, rien n’a changé, les chansons sont toujours excellentes, mais desservies par un chant approximatif, ce qui est quand même très triste).

2025 07 27 Killer Kin Festival Folk Blues Binic J3 (1)

On attaque donc ce dimanche à 17h, avec les Américains de Killer Kin, au sujet desquels les avis sont partagés : pour les uns, ils sont bien plus intéressants à regarder qu’à écouter, tandis que pour d’autres, ils sont là pour « dévaster » le festival. Première constatation, le look du chanteur, Mattie Lea, est étonnant (en slip avec une chaîne à la ceinture) et son attitude le positionnent clairement comme un disciple d’Iggy Pop, ce qui est bien, parce qu’il n’y en a pas tant que ça qui osent réclamer cet héritage. Mattie et la sculpturale mais boudeuse guitariste, Chloe Rose, les deux co-fondateurs, se revendiquent en fait comme les rejetons d’Arthur « Killer » Kane, des New York Dolls. Nous, on veut bien, mais ce qu’on entend sur scène nous évoque plutôt Motörhead, une autre légende insurpassable du Rock’n’Roll (la chanson Motörhead sera d’ailleurs reprise…). Les quarante-cinq minutes du set se déroulent sans surprise réelle, et sans générer une grande excitation non plus au sein du public, encore peu nombreux. Mattie quitte quelques vêtements, mais n’ira pas jusqu’à l’exhibition comme l’Iguane (ll y a des limites à la provocation rock’n’rollienne dans notre XXIème siècle ultra-conservateur !). Il est clair que Killer Kin doivent être plus convaincants dans un petit club new yorkais à une heure du matin, qu’en plein après-midi sur une plage bretonne. Même si nous ne sommes pas totalement convaincus, il conviendra de retenter l’expérience dans des conditions plus appropriées…

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18h : Le nom original choisi par le duo Marcus (vocaux) et Daniel (basse ou batterie), Hot Tubs Time Machine (soit « le spa à remonter le temps » !) est en fait inspiré d’un film de 2010 peu connu, voire inconnu chez nous, mais qui semble avoir ses adeptes. Ce côté gentiment farfelu correspond bien à un projet souriant et lo-fi, voire minimaliste. Marcus (qu’on connaissait jusque-là comme le gentil excentrique qui s’amusait à souffler des grosses bulles de savon sur les festivaliers) rappe de manière douce, tandis que Daniel, lui, se marre comme une baleine en jouant des parties de basse assez impressionnantes (il prouvera ensuite qu’’il est aussi un vrai batteur !). On pourrait imaginer que ce délire, en partie improvisé pour inclure le public, se révélerait ennuyeux pour des festivaliers dont l’anglais n’est pas la langue principale, mais un vrai miracle se produit (comme on n’en voit qu’à Binic) : la fosse se remplit peu à peu de gens qui sourient, dansent, agitent les bras, etc. Au bout de vingt minutes, c’est la fête ! On repère sur le côté de la scène Mark Cisneros, qui se tape des barres devant un set qui n’a aucune similitude avec son propre genre de musique : Marcus explique qu’ils sont devenus très potes pendant le Festival. Et puis il descend dans la foule passer un bon moment. A la fin, le public ne veut pas les laisser partir, ils devront – fait exceptionnel dans le festival – faire un rappel ! La magie de Binic, on vous dit !

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19h15 : On poursuit dans les choses hors du commun, avec -gailü, un groupe basque espagnol, qui chante donc en basque (beaucoup) et (un peu) en espagnol. Mais ce qui est singulier, c’est surtout qu’il s’agit d’un trio de quinquagénaires vêtus en ouvriers ou en paysans, qui ne paient pas de mine, mais vont se révéler de redoutables musiciens – à la basse / contrebasse et à la batterie – et « frontman ». On utilise le mot de frontman, mais Okene, le chanteur / rappeur de -gailü, est assis à droite de la scène devant un pupitre où il lit ses textes, bidouille un boîtier électronique et braille dans un mégaphone. « Braille », car la musique de -gailü est tout sauf de la musique de « pépères », en dépit du look trompeur de ses membres : c’est du hip hop, du trip hop un peu ambient, du rock façon The Clash (pensez Sandinista), de la techno, de l’électro minimale, etc. Ce qui impressionne, c’est la colère et l’énergie qui se dégage d’Okene, qui reste pourtant assis, et sans comprendre le basque, on saisit qu’il s’agit ici de faire de la musique revendicatrice, politique, et que, d’après -gailü, le monde va mal. Bon, tout n’est pas passionnant dans leur musique, on se dit que c’est dommage qu’Okene ne déverse pas plus son énergie en se tenant debout face à nous, on s’ennuie un peu parfois, … Mais c’est toujours rattrapé ensuite par un titre accrocheur et excitant. Un set stimulant en dépit de quelques longueurs, et nos trois Basques énervés auront eux aussi droit à leur rappel !

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Bon, on a beau aimer l’originalité des deux sets qu’on vient de voir, on ressent quand même un certain soulagement quand les Américains de Hooveriii montent sur scène à 20h30 : on en revient aux basiques, de belles compos mi-psyché mi-« traditionnelles », jouées avec passion et énergie (et un indéniable professionnalisme typique des USA), des guitares qui délirent, et une énergie qui semble intarissable. Hooveriii vont nous offrir LE concert de la journée, et l’un des tous meilleurs du Festival, sans aucun doute. Démarrant sur les chapeaux de roues en enchaînant les titres rapides, voire agressifs, du nouvel album, Manhunter, ils embarqueront ensuite dans de longs morceaux plus atmosphériques (The Tall Grass !), mais toujours puissants et intenses, qui nous feront irrésistiblement voyager. Jusqu’à en arriver, une heure plus tard, à une conclusion sur le « classique » Bird on a Wire, et surtout, à une sorte d’extase devant cette musique, si convaincante. Bien sûr, les titres du dernier album se sont taillé la part du lion dans la setlist. Et certains diront que l’entrée sur les territoires psyché s’est faite un peu tardivement, d’autres que la basse (qui structurait les morceaux mais assurait souvent le rôle mélodique principal) était trop en avant, minimisant le travail des deux guitaristes. Ce n’est pas faux, mais, pour nous, on n’était pas loin du concert idéal !

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21h50 : On peut dès lors s’estimer comblé, jusqu’à ce qu’un jeune fan connaisseur de musique australienne (il n’a que vingt-quatre ans, mais adore et admire The Saints : il y en a qui ont de la culture et du bon goût !) nous avertisse : Dr Sure’s Unusual Practice, c’est du haut niveau. Et de fait, alors qu’on imaginait un set un peu fantaisiste – avec déguisements et tout le toutim – du « bon docteur », qui est la personnalité endossée pour son groupe par Dougal Shaw (personnalité de la scène punk de Melbourne, qu’il nous semble bien avoir vu sur scène avec Cash Savage, mais il faudra le vérifier), nous avons eu droit à trois quarts d’heure de très, très bonne musique, jouée dans un esprit punk à la fois drôle et revendicatif. Shaw, qui est principalement aux claviers en plus de chanter, fait son marché dans tous les genres possibles : synth pop, punk rock, post-punk, ou tout simplement ce bon vieux rock’n’roll inépuisable. La pratique du Dr. Sure n’est en fait pas si inhabituelle que ça : il faut d’abord composer de bonnes chansons, accrocheuses, avoir ensuite de bons musiciens, et enfin, mettre le feu sur scène. Toutes les cases sont cochées ce soir, pour notre plus grand plaisir : on voyage dans le temps, revisitant Devo ou allant combattre sur le terrain de Crack Cloud. Aucun titre faible, aucun temps mort, et le public de Binic est en joie, avec des moshpits endiablés et des slammers en veux-tu, en voilà. Epuisant, mais magnifique.

2025 07 27 Party Dozen Festival Folk Blues Binic (1)

Après deux concerts de ce niveau, on aurait presque envie d’en rester là, et on n’est pas forcément chaud à l’idée d’un duo batterie – saxophone, qualifié sur internet de « Jazz Band » expérimental. Mais on reste, sur le conseil d’un ami, et bien nous en prend : pas question de « chill » pour conclure en douceur ces trois jours à Binic, Party Dozen, le duo de Sydney (« On ne vient pas de Melbourne, nous, on est de Fuckin’ Sydney »), c’est du lourd. Et leur musique, qu’on ne peut guère qualifier que « d’apocalyptique », va s’avérer idéale pour se dire « au revoir et à l’année prochaine » : un torrent de sons hurlés par le saxo de Kirsty Tickle, des rythmiques hystériques à la batterie de Jonathan Boulet, des sons pré-enregistrés juste ce qu’il faut pour construire l’atmosphère autour, le résultat est spectaculairement organique et intense (d’ailleurs, Nick Cave a collaboré avec eux, une caution incontournable !). Le public ne s’y trompe pas, et nous voilà repartis pour trois quarts d’heure de corps a corps, dans l’atmosphère dantesque créée par Party Dozen, entre les lumières basses et rougeoyantes, les cris de Kirsty qui chante littéralement dans son saxophone pour utiliser le micro d’amplification de l’instrument. Et quand le duo nous offre leur version du Ghostrider de Suicide, comment ne pas se dire que les dieux sauvages du Rock’n’roll planent réellement au-dessus de nos têtes pour bénir la ville de Binic ?

Il est temps de quitter ce festival unique, de remercier comme chaque année Ludo et la Nef D Fous qui savent nous offrir, encore et encore, des moments de pur rock’n’roll qui figureront parmi les meilleurs de notre année.

A l’année prochaine !

Killer Kin
Hot Tubs Time Machine 
-gailü 
Hoveriii 
Dr Sure’s Unusual Practice 
Party Dozen 

Eric Debarnot
Photos : Eric Debarnot

Binic Folk Blues Festival – Jour 3
Production : La Nef D Fous
Le 27 juillet 2025

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