Aurélia Aurita, Frédéric Joulian et Matthias Cambreling nous livrent un plaidoyer, argumenté et ancré sur le réel, pour la construction écologique et durable à Mayotte.

Mayotte connait une crise sociale et écologique. Excusez du peu, elle cumule une crise migratoire, une pénurie en eau potable, un récent cyclone, un urbanisme anarchique, une érosion accélérée des sols et des tensions avec les Comores, ses « îles sœurs » voisines… Pour autant, sans rien masquer des tensions actuelles, la dessinatrice Aurélia Aurita, l’ethnologue Frédéric Joulian et l’architecte Matthias Cambreling se sont associés pour signer un ouvrage, résolument optimiste, pour éclairer les consciences à Mayotte, et, plus largement, dans le monde.
À sa lecture, je me suis souvenu avoir été, jadis, Volontaire du Progrès dans un pays de l’Afrique de l’Ouest. Nous étions jeunes, idéalistes et hâtivement formés par des anciens. Nous travaillions, déjà, à promouvoir des techniques durables. Je tentais d’introduire un système de micro-crédit, inspiré par les tontines. Mes camarades, quand ils ne bétonnaient pas des sources et de petits ponts, travaillaient à l’irrigation des bas-fonds, à l’introduction de la charrue attelée, à l’entretien des pistes à la pelle et à la brouette (une méthode dite à haute intensité de main d’œuvre) ou à la promotion des briques de terre compressée. Je crains que les bétonnières, bulldozers et autres tracteurs aient eu le dernier mot.
La modernité, comprenez le béton et les tôles, a eu raison de l’habitat traditionnel mahorais. Or, le banga, une construction associant bambou, raphia et torchis, est plus économique, plus écologique et tout aussi résistant. Certes, il ne dure pas 200 ans, mais il permettra à la génération suivante de le détruire, ses composantes retourneront à la terre, et de rebâtir une bâtisse à son gout.
À partir de leurs travaux sur le banga, les auteurs élargissent leur propos en partant à la rencontre d’artisans-jardiniers-constructeurs et en écoutant leurs propositions pour réinventer Mayotte et le monde. Ils se mettent en scène avec sept foundis, des sages locaux. Tous ont à cœur de partager leur savoir avec les jeunes générations. Un solide dossier de 40 pages d’enquêtes anthropologiques et architecturales vient compléter l’ouvrage.
Le dessin d’Aurélia Aurita est plaisant. Ses couleurs sont fraîches et ses personnages, malgré un contexte inquiétant, sont lucides et souriants : un futur désirable reste possible. Il ne s’agit pas de retourner en arrière, mais, dans un moment de changement climatique et de raréfaction de l’eau, d’hybrider des savoirs traditionnels avec nos connaissances scientifiques, et surtout de les diffuser.
Stéphane de Boysson
Le Béton et le Bambou – Propositions pour Mayotte et le monde
Scénario : Matthias Cambreling, Aurélia Aurita et Frédéric Joulian
Dessin : Aurélia Aurita
152 pages – 23,75 €
Éditeur : Delcourt / Encrage
Parution : 7 mai 2025
Le Béton et le Bambou — Extrait :
