Le premier roman de Ramsès Kefi dresse le portrait d’un trentenaire qui vit seul chez ses parents dans un quartier ouvrier. Sa mère disparait du jour au lendemain et il n’en faut pas plus pour que son quotidien et celui de son père déraillent. Un premier roman tendre et drôle qui régale par ses anecdotes et sa galerie de personnages.
Salmane et sa bande de potes ont l’habitude de se retrouver dans le quartier pour refaire le monde et discuter jusqu’au bout de la nuit. Une nuit comme les autres à La Caverne, le quartier en question, à la frontière d’un bois et assez loin du centre-ville.
Mais peu de temps avant les premiers bus et le levé du jour, Hédi le père de Salmane débarque sur le parking à la surprise générale. Tout le monde est choqué, ça n’est pas dans les habitudes du paternel de débarquer comme ça. Il embarque dans la foulée son fils unique avec lui pour lui expliquer le pourquoi du comment, et c’est de cette manière que Salmane découvre que sa mère Amani a disparu. Elle ne donne plus signe de vie depuis peu et Hédi a déjà eu le temps de faire le tour des gares et des hôpitaux, mais en vain. Les femmes ne partent jamais au quartier, la plupart du temps ce sont les pères de famille qui ne donnent plus signe de vie. Là c’est complètement inattendu. Commence alors pour le père et le fils une quête singulière, un truc plein d’angoisse qui va remettre au centre de la table leurs relations, que ce soit celle du père avec sa femme ou celle de Salmane avec sa mère. On découvre petit à petit la vie d’Amani, celle de sa famille, et on suit les difficultés du père et du fils qui vont d’une galère à une pour comprendre cette fuite.
C’est tendre et plein d’humanité, on s’attache tout de suite à la famille Gammoudi et à la façon qu’a Ramsès Kefi de les dépeindre. L’écriture ne porte pas de jugement, avec un juste recul, sans tomber dans un cliché ou un autre. Les personnages font partie intégrante du quartier, ils ont grandi avec et en fonction de cet environnement. C’est tout un décor qui défile derrière l’histoire qui secoue la cellule familiale. Un quartier ouvrier à la lisère entre le rural et l’urbain. Le roman Quatre jours sans ma mère est aussi une façon de décrypter les non-dits dans une famille, les preuves d’amour qui ne sont pas toujours dites entre chacun. Cette disparition va bouleverser son père et Salmane, mais elle va aussi permettre de lui révéler des secrets notamment sur la relation qu’il a avec sa mère. Il y a plusieurs moments touchants comme lorsqu’il regrette de ne pas avoir pris un café à l’extérieur avec sa mère et que ça fait un moment qu’elle lui demande. Et il y a des moments plus drôles, avec les punchlines qui vont bien dans les dialogues.
Il est aussi question du poids que peuvent porter les mères dans les familles et cette disparition, c’est l’occasion de faire émerger tout cela. Un poids qui peut concerner un passé dont on parle peu ou un poids qui peut être un quotidien difficile qui flirte avec la précarité. Quatre jours sans ma mère est un texte qui sonne juste sur les mères, mais aussi sur les relations que l’on noue (ou non) entre les membres d’une famille. Le roman oscille entre des moments joyeux et des moments plus tristes à travers le parcours de vie de ce trentenaire un peu looser, qui navigue entre ses potes et son job dans un fastfood. L’auteur brosse les petites habitudes des uns et les petits détails qui donnent corps aux scènes, et c’est très bien vu. Ramsès Kefi est un conteur incroyable et ce serait dommage de ne pas découvrir cette histoire, qui se tient parfaitement du début à la fin.
Sébastien PALEY