Dans Une saison de colère, Sébastien Vidal imagine une petite ville de Corrèze secouée par différentes luttes qui finiront par se rejoindre. Il nous propose ainsi un beau roman noir, social, écologique et humaniste, porté par un écriture ample et lyrique.

L’intrigue d’Une saison de colère se déroule en Corrèze, à Lamonédat plus exactement, petite commune fictive inventée par Sébastien Vidal pour les besoins de son récit. Alors que le printemps s’annonce et que la nature s’éveille doucement au sortir de l’hiver, les ouvriers de l’usine VentureMétal s’épuisent dans leur combat contre la fermeture du site. La direction parisienne a brutalement annoncé la délocalisation de la production et, depuis cette terrible nouvelle, les hommes et les femmes qui ont tant donné pour VentureMétal occupent l’usine et se sont engagés dans un bras de fer contre leur employeur. Pendant ce temps, le maire de Lamonédat et sa conseillère fomentent en secret un projet pour s’enrichir : profitant de la colère qui gronde à VentureMétal, ils ont mis sur pied un vaste projet de complexe touristique dont la première conséquence sera la destruction de la Coulée verte, magnifique forêt au milieu de laquelle se dresse « Belle mèche », un hêtre immense devenu le symbole de la ville. Lorsque les plans du premier édile sont révélés, une autre lutte s’organise et une ZAD est créée au cœur même de la Coulée verte. Et Lamonédat devient l’épicentre de toutes les colères…
A partir de ces deux luttes – l’une sociale, l’autre écologique -, Sébastien Vidal va déployer un récit aux multiples personnages : Gregor, le délégué syndical altruiste ; Julius, l’ancien gendarme qui possède un mystérieux « don » ; Jolène, une tueuse professionnelle amatrice de polars ; ou encore Jarod, un zadiste surnommé l’écureuil… Tous sont réussis et attachants, y compris Jolène qui, après avoir été longtemps au service des basses œuvres de l’État, va elle aussi se révolter et laisser parler sa colère. Ces quatre personnages, et tous ceux qui gravitent autour d’eux, s’étoffent progressivement au fur et à mesure du roman. Vidal ausculte leurs plaies, analyse leurs doutes, loue leurs qualités et l’on perçoit alors tout l’humanisme d’un auteur qui, en dépit de la noirceur de son intrigue, croit encore en la bonté et en la solidarité. Et en effet, l’un des enjeux du roman réside dans la façon dont les trajectoires de ces individus vont finir par se rejoindre.
Une saison de colère raconte donc deux luttes : l’une pour la préservation de l’emploi, l’autre pour la protection de la nature. Si leurs causes et leurs objectifs peuvent d’abord paraître antithétiques – d’ailleurs Vidal évoque assez bien les fractures qui vont venir diviser la population de Lamonédat -, les principaux personnages du roman vont bientôt comprendre que la convergence de leurs combats est nécessaire, voire inévitable. Finalement, ouvriers et zadistes œuvrent ici pour une seule et même chose : une forme de dignité.
La colère qui gronde finit par éclater alors que jaillit le printemps, saison du renouveau et de l’espoir. Faut-il aussi y voir une allusion à Germinal, autre roman de la colère ? C’est probable. Ce qui est certain, c’est que Sébastien Vidal évoque le printemps et la nature avec beaucoup de soin et les passages descriptifs qui parsèment le roman lui permettent de déployer une belle écriture, précise et lyrique, et le lecteur perçoit alors tout l’amour de l’auteur pour la nature.
Pour autant, on aurait tort de croire qu’Une saison de colère n’est qu’un roman à thèse. Des idées, des convictions, il y en a dans ce livre tout en nuances mais qui n’oublie pas son intrigue policière. Un complot, plusieurs meurtres, une enquête policière : Vidal use parfaitement des ingrédients habituels du genre. Une Saison de colère est donc bien un polar, genre auquel l’auteur semble très attaché et auquel il rend discrètement hommage. Ainsi Jolène est-elle une lectrice de polars (Manchette, Jonquet et Elmore Leonard sont évoqués). Et puis, comment ne pas voir dans le nom donné à l’arbre au centre de La Coulée Verte un clin d’œil au célèbre Dave Robicheaux de James Lee Burke, lui aussi surnommé « Belle Mèche »…
On l’aura compris, Une saison de colère est une belle réussite et, en le refermant, on n’a qu’un seul regret : être passé à côté des précédents romans de Sébastien Vidal. Une erreur que l’on va réparer le plus rapidement possible.
Grégory Seyer