[Live Review] Ducks Ltd, International Music et We are Milk au Supersonic : des canards pressés

Jeudi soir au Supersonic, il y avait les benjamins de Ducks Ltd, en tête d’affiche attendue. L’occasion de voir un jeune groupe prometteur, qui va néanmoins devoir faire évoluer sa formule pour passer au stade supérieur.

Ducks Ltd Supersonic 01
Ducks Ltd au Supersonic – Photo : Laurent Fegly

Vraiment sympa ce principe des trois groupes à l’affiche des soirées (gratuites) au Supersonic : des sets courts bien efficaces, parfaits pour découvrir de nouveaux groupes, très peu de temps d’attente entre les groupes, un son excellent, une bonne programmation et une happy hour avant les concerts, c’est le bon cocktail pour attirer une foule de jeunes (et moins jeunes…).

Au moment donc où un autre de nos rédacteurs investit le Supersonic Records juste à côté pour déguster la prestation de Ruth Radelet, nous nous occupons de la triple affiche de qualité du Supersonic ce jeudi soir : Les Américains de We Love Milk et Ducks Ltd, et les Allemands de International Music.

We Love Milk Supersonic20 h : We Love Milk monte sur scène. Le cœur du groupe est constitué de Eric Marx (chant et guitare) et Dylan Strazar (batterie), accompagnés par un guitariste et un clavier. Le groupe a été formé en Californie et s’est établi depuis une petite dizaine d’années en France, où il remporte un petit succès d’estime principalement grâce à ses concerts (au Pop Up, au Supersonic déjà). Dans une Interview datant de 2017, ils indiquaient se sentir plus à l’aise en Europe du fait de la situation interne aux Etats Unis. Nous nous sommes donc pas surpris qu’ils ne soient pas rentrés chez eux…

Pas de doute, le style est ultra efficace, un rock psychédélique classique lorgnant pas mal sur le grunge. Et de fait, on se croit rapidement de retour dans les années 90, au moment où tant de petits groupes, surfant sur le succès de Nirvana, tentaient de se faire une place au soleil ou bossaient pour faire les premières parties de Mudhoney. Le groupe n’est pas très présent sur les plateformes, un seul EP de 4 titres étant disponible sur Deezer par exemple, mais le dernier EP Monochrome est quant à lui présent sur Spotify. La setlist de 8 titres pioche naturellement dans ces deux enregistrements, le début du concert démarrant par Parallels, Down The Machine et Hey. Pas de basse sur scène ce soir, mais deux guitares qui s’entendent bien, des solos fréquents et pas démonstratifs, c’est franchement pas mal. Certains passages évoquent Nirvana de par le chant d’Eric Marx, mais c’est surtout aux Screaming Trees que nous font penser certains titres, et le guitariste est vraiment très bon. Le groupe semble avoir écrit de nouveaux titres, dont un notamment (Against The Wall ?) nous fait une excellente impression. Peu de monde à ce moment encore dans le club, mais Eric Marx, qui faisait un peu le gueule au début, finit son set de façon nettement plus énergique. Une excellente surprise en tout cas, et un groupe qui pourra être apprécié par tous ceux qui aiment les guitares, pour peu qu’ils bénéficient d’une meilleure exposition.

International Music au SupersonicChangement complet d’ambiance dès la fin de leur set : alors que nous étions tranquilles à la barrière, la fosse est immédiatement investie par un public nettement plus motivé. En laissant traîner les oreilles, il n’y a pas de doute : la diaspora allemande de Paris a investi le Supersonic, et les pintes arrivent sur scène pour le nouveau groupe. Quasi inconnu en France, International Music ne l’est pas de l’autre côté du Rhin ! On peut se demander comment il est possible d’avoir un nom de groupe aussi inepte, et si c’est le résultat d’un pari perdu ou d’une fin de soirée trop arrosée, mais cela n’a pas l’air de nuire à leur carrière domestique : leur album de 2018, Die besten Jahre, figure même en bonne position (36e quand même) dans les classements des meilleurs disques de rock allemands de tous les temps ! Musicalement, c’est pas simple à situer : Un peu de Krautrock, de psychédélisme, et de new wave, joué par un trio composé de Peter Rubel (guitare et chant), Pedro Goncalves Crescenti (basse et chant) et Joel Roters (batterie). Les titres sont alternativement pop ou plus clairement rentre dedans, et l’ensemble a de la tenue. On ne garantit pas le succès massif en France, mais les mecs ont de l’humour : ils annoncent un nouveau titre en précisant que de toute manière personne ici ne connaît les précédents. Oui, ce n’est pas faux mais autour de nous, certains fans connaissent visiblement les paroles par cœur ! Un titre de leur célèbre album s’intitule Mont St Michel, et naturellement, ils vont rapidement nous l’interpréter, et c’est pas simple de savoir ce qu’ils pensent du site : Ein bisschen Cola in der Laube / Mont St. Michel /  Ein bisschen Traube im Club / Mont St. Michel (Un peu de cola dans la tonnelle  /Mont St. Michel / Un peu de raisin dans le club / Mont St. Michel). On peut imaginer que Metallmädchen qui ouvrait le même disque est un peu leur titre phare, car le public réagit positivement. Grosse basse, refrain scandé en cœur, c’est un peu rude pour l’estomac. Le dernier titre est tiré de leur album de 2024, et s’appele Liebesformular. Les guitares sont de sortie, et c’est plutôt sympa pour finir ce set de 40 minutes certes pas inoubliable, mais très bon esprit.

Et en plus on peut remercier les International Music (je ne m’y fais pas à ce nom….) de faciliter le travail du rédacteur en lui permettant des jolies transitions :Leur album de 2021 s’intitule en effet Ententraum, soit littéralement Rêve de Canard. Quoi de mieux pour introduire les Ducks Ltd qui suivent à 22 h ?

Ducks LTD Supersonic 02Passons donc à la tête d’affiche de la soirée. Quand un ami avec des goûts sûrs nous a proposé ce concert, et que des recherches rapides sur le groupe ont amené des références chéries telles que R.E.M, Real Estate ou les Feelies, cette soirée est devenue une obligation, et les Ducks Ltd sont bien entendu la raison principale de notre présence au Supersonic ce soir. Pour ne rien gâcher, l’écoute en boucle récente de leur dernier disque, Harm’s Way, a confirmé que l’affaire était sérieuse. Les présentations pour commencer : le groupe vient de Toronto et est composé principalement de Tom McGreevy, au chant et à la guitare, et Evan Lewis à la guitare. Lewis n’étant pas de la tournée, il est remplacé un moustachu talentueux, également collaborateur de longue date du groupe, et nommé Kurt Marble. Le duo est renforcé par Jonathan Pappo à la batterie, et Maddy Wilde à la basse. Nous allons avoir affaire ce soir à un groupe pressé : quinze titres en 45 minutes chrono, sans beaucoup de variété, enchainés à la Pixies, et des échanges avec le public pendant lesquels McGreevy ne pourrait pas parler plus rapidement. Le concert va démarrer avec un Train Full of Gasoline joué à 100 à l’heure et le rythme va rester constant jusqu’à la fin. C’est un peu comme ça qu’on imagine que les shows des Ramones se déroulaient !

Musicalement, on pense aux Go-Betweens, et le travail des guitares frénétiques évoque évidement celui de Glenn Mercer et Bill Million dans les Feelies (cette intro de Hollowed Out est un pastiche !), ce qui est plus qu’un compliment compte tenu de l’amour que nous leur portons. Le groupe va interpréter sept titres de Harm’s way et quatre de Modern Fiction en choisissant ceux que nous attendions. D’où vient notre légère déception de ce soir ? Le traitement uniforme des morceaux les rend tous interchangeables, et nous avons de la peine à reconnaître ceux qui, pourtant, sur disque se distinguent plus facilement : Deleted Scenes par exemple, titre qui nous a épaté sur disque, est joué de façon nettement moins subtile qu’en studio. Néanmoins, avec une mélodie pour le coup digne de R.E.M., cela reste le meilleur titre interprété ce soir, et l’un des meilleurs de leur discographie. Et puis LE problème : la voix de Mc Greevy est un forcée avec un timbre désagréable qui n’apparait pas du tout sur disque. Tout cela pour dire que leur énergie est impressionnante, mais qu’on n’en aurait pas forcément pris pour plus longtemps. Le rappel vient donc à point à 22h45 avec le Head On de The Jesus and Mary Chain, également repris par les Pixies). Pas de surprise, il est interprété à la moulinette Ducks Ltd. Bref, nous avons un peu la même impression qu’au récent concert de Real Estate : Les Ducks Ltd ont une formule qui marche, il va maintenant leur falloir plus de variété pour franchir un cap live.

A 22h45, cette triple dose de musique se termine, et ce ne sera pas la dernière soirée que nous passerons au Supersonic cette année.

We are Milk :
International Music :
Ducks Ltd :

Laurent Fegly (texte et photos)

Ducks Ltd, International Music et We are Milk au Supersonic
Le jeudi 4 Septembre 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.