[Live Review] Throwing Muses et Geysir à la Marbrerie : une longue attente récompensée

Est-ce principalement par nostalgie des années 90 que nous avons choisi d’aller à la Marbrerie ce dimanche soir ? Peut-être, en effet. Mais les Throwing Muses, avec un set rageur, ont suffisamment de nouveaux titres en magasin pour inscrire leur prestation dans le présent.

2025-09-07-Throwing Muses 0026
Throwing Muses à la Marbrerie (Montreuil) – Photo : Robert Gil

Les Throwing Muses avaient prévu la date parisienne de leur tournée européenne le 31 mai 2025, soit le même soir que d’autres héros de la scène indépendante américaine des années 90, les Flaming Lips. Ceci n’était pas sans me provoquer quelques nœuds au cerveau, le choix s’avérant compliqué. Les Muses sont en effet l’un des derniers groupes phares de cette époque à manquer à mon palmarès, alors que le groupe de Kristin Hersh est responsable avec The Real Ramona de l’un des albums que j’ai le plus écouté durant cette période.

Reconnaissons donc que l’annonce du report des dates de la tournée pour cause de maladie de Kristin Hersh n’a pas été accueillie avec l’empathie qu’elle aurait mérité. Rendez-vous donc à Montreuil ce dimanche soir dans une Marbrerie très bien remplie. Il faut croire que la nostalgie des années 90 remplit encore des salles, et les Lemonheads qui sont au Café de la Danse le 18 septembre devraient également en bénéficier.

 

2025-09-07-Geysir 0008
Geysir à la Marbrerie – Photo : Robert Gil

Un mot déjà sur la première partie qui joue à 19h45 : Lionel Laquarrière et Marie-Cécile Leguy viennent du Loir et Cher, de Vendôme plus exactement. Ils forment le groupe Geysir qui a sorti son dernier disque Tanzwelle en septembre 2024. Lionel a travaillé avec Yann Tiersen, et Geysir continue régulièrement à en assurer les premières parties. Pas du tout de l’indie rock, puisque le groupe est plutôt dans une mouvance instrumentale et electro, ce qui est un choix qui peut sembler étonnant de prime abord. Scepticisme renforcé avec les premiers titres : Lionel et Marie Cecile se font face, et démarrent le set, après un bonjour timide, avec des nappes synthétiques pas désagréables mais plutôt banales. Pas de quoi rassurer en tout cas le fan d’indie rock à guitares qui pressent un moment compliqué. Et pourtant, la suite du concert va s’évérer nettement plus sympathique. A partir du moment où Marie-Cécile prend une basse, les morceaux deviennent plus énergiques, et nous passons vingt dernières minutes sympas avec une groupe qui se met à échanger avec le public, et qui manifestement est fier de passer dans cette salle, en première partie d’un groupe établi. Aucun regret au final d’être venu tôt.

 

Throwing Muses à la Marbrerie (Montreuil) - Photo : Robert Gil
Throwing Muses à la Marbrerie (Montreuil) – Photo : Robert Gil

Après une pause de 20 minutes, les Throwing Muses sont là, Kristin Hersh en tête. Pas facile d’anticiper la tonalité de ce concert : alors que le groupe sortait généralement des disques remplis de guitares, et que Hersh se réservait les morceaux acoustiques – ou en tout cas plus intimistes – pour sa carrière solo, Moonlight Concessions, le dernier album, a détonné par l’absence des guitares et la présence remarquée du violoncelle. Alors que la setlist de la tournée fait la part belle à ce disque, nous sommes donc en droit de nous demander comment ces titres vont pouvoir s’intégrer aux classiques des années 90, nettement plus rentre-dedans, qui vont naturellement être joués aussi.

2025-09-07-0016Ne laissons pas durer ce suspense insoutenable, le concert va être Rock, et les nouveaux morceaux subtils vont globalement en faire les frais. Présentons le groupe de tournée qui est surprenant : alors qu’en studio, le trio est composé de Hersh, Dave Narcizo à la batterie et Bernard Georges à la basse, ils sont remplacés par Fred Abong à la batterie (partenaire de Kristin Hersh à la ville) et par le propre fils de la patronne, Dylan, à la basse. Une affaire de famille donc. Le trio est complété par le violoncelle de Pete Harvey, élément prépondérant du son du dernier album, et logiquement très présent sur Theremini, qui ouvre le concert dans une tonalité acoustique de bon aloi. Tous les titres du dernier album n’auront pas ce traitement. Le morceau titre Moonlight Concessions en fin de set sera ainsi difficilement reconnaissable. Pete Harvey participe bien entendu à ces morceaux, mais la guitare électrique de Hersh l’accompagne agressivement, la batterie se faisant également trop présente et en avant. Libretto, par exemple, est un superbe titre, et le reste bien entendu, mais rentre dans le rang en ayant peine ce soir à sortir du lot. Sally’s Beauty, au contraire, aura droit à une interprétation fidèle, et sera un des titres phares de la soirée, Summer of Love suivant de peu. Sur les morceaux plus anciens, la guitare est reine, et le power trio est bien en place, le violoncelle se permettant néanmoins de se frayer un chemin souvent bienvenu. La voix de Kristin Hersh est toujours poignante, mais elle a bien perdu de sa puissance.

Nous n’allons pas citer tous les titres… Bywater, aux paroles bien détonantes (« Whose goldfish in the toilet? / Don’t flush it, it’s Freddie Mercury ») a été une réussite totale, sûrement celui pour lequel la contribution de Pete Harvey a été la plus marquante. Bea tiré de Hunkpapa est une bonne surprise de l’époque où le groupe était programmé en force sur les college radios, et bien entendu Limbo, chanson titre de l’album le plus mésestimé de leur discographie et qui pourtant n’est pas loin d’être le meilleur. Bright Yellow Gun en clôture du rappel est toujours une chanson pop parfaite, quoiqu’un peu expédiée tout de même ! Quant au fiston, Dylan, il est très bon et nous avons noté une superbe intervention sur Colder, bien surveillé par sa daronne qui avait l’air fière de lui !

2025-09-07-0054Et The Real Ramona, me demanderez-vous ? Manifestement le plus connu des fans français, à en juger par les conversations entendues et la réaction du public, il est à la portion congrue ce soir. Un Him Dancing au milieu du set, et surtout Counting Backwards, peut-être leur seul tube, joué sans passion excessive vers la fin. Nous n’aurions pas été contre un petit Graffiti par exemple. L’instrumental Dylan aurait été amusant aussi, et cela nous donne un coup de vieux en voyant le grand échalas qu’il est devenu.

Au total, huit titres du dernier album sont interprétés ce soir. Si l’on rajoute ceux de Purgatory/Paradise et Sun Racket, la setlist sera composée de 17 titres sur 25 datant des 12 dernières années. Si les fans du groupe viennent peut-être par nostalgie, et aussi parce que cette tournée est la première en plus de 10 ans, Kristin Hersh est quant à elle dans une démarche créative toujours très active. La où elle pourrait faire des tournées anniversaires comme dEUS vient d’en annoncer une nouvelle, elle et son groupe n’ont pas hésité à prendre des risques. Rien que pour cela, nous continuerons à les suivre en espérant de nouveaux concerts dans un futur proche.

Geysir :
Throwing Muses :

Laurent Fegly
Photos : Robert Gil

Throwing Muses et Geysir à la Marbrerie (Montreuil)
Production : Persona Grata
Date : 7 septembre 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.